Saloua

Sa trompette a retrouvé les Ladylands qui l’entouraient déjà sur Mantis : l’excellent guitariste Manu Codjia, le batteur Philippe Garcia et le contrebassiste Michel Benita. Mounir Troudi, chanteur tunisien aux palpitantes psalmodies arabes, et le rappeur Nya, rescapé de Bending new corners. Les sonorités sont aussi éclectiques que la constitution de l’équipe et tout au long de l’album, on vogue ente jazz volontiers débridé, drum n’bass futé, complaintes arabo-ethniques intensément emphatiques (Saloua, Yabous), reggae-dub intimiste (Dubophone), électro doucement évanescente (Whispering, ou monstrueuses parties de gratouille électrique à faire pâlir d’envie les plus coriaces guitar-heroes (Ghost drummer). Et toujours la trompette minimaliste aux mélodies astucieuses de Truffaz.

Preuve de l’efficacité de sa manière de composer, qui reste clairement la même, l’univers musical de Saloua est foncièrement nouveau, et ceux qui apprécient le bonhomme de jazzman ne seront pas déçus. Les morceaux sont avant tout constitués de schémas précisément étudiés et arrangés selon la méthode rock, plus que de suites d’improvisations. Et du fait de cette organisation savamment élaborée, on n’a pas le temps de s’ennuyer. Parmi les morceaux à ne pas rater sur cet album, Tantrik est un magnifique dérapage qui prend une tournure de free jazz technique des plus déchaînés, où les trois Ladylands, entre les transports saillants d’une guitare détraquée, les tarabiscotages précipités de percussions frénétiques, et des lignes de basse outrageusement dépensières, nous convient à une perte de contrôle des plus jouissives.

Saloua est un album à écouter sans modération, le fruit d’une recherche originale et féconde qui réjouira ceux qui aiment à être dépaysés par des voyages musicaux de grande facture. La tournée qui prolongera cet album s’annonce tout aussi magistrale.