Le 5 février 2019
Lyrique et excessif, le livre de Yann Moix est l’autopsie d’une souffrance amoureuse qui emporte tout sur son passage. Mais n’oublie jamais qu’il est le produit d’une littérature.
- Auteur : Yann Moix
- Editeur : Grasset
- Genre : Roman & fiction
- Date de sortie : 2 janvier 2019
- Plus d'informations : Le site officiel
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Date de parution : le 2 janvier 2019
Résumé : Avec ce roman, Yann Moix revient à son thème de prédilection : l’amour (et ses dépendances : la jalousie, la haine, la rivalité, la séduction, l’addiction, etc…) Et son livre prend la forme d’un dialogue imaginaire (à la manière du Neveu de Rameau de Diderot, ou de L’idée fixe de Paul Valéry) où Yann Moix bavarde, à la terrasse d’un café, avec un ami qui tente de le consoler à la suite de sa dernière déconvenue amoureuse… Dans un roman précédent, l’auteur avait choisi, comme incipit : « Ce que les femmes préfèrent, chez moi, c’est me quitter »… L’inverse eut été plus exact car, dans ce livre – précisément intitulé « Rompre » -, le narrateur confesse qu’il ne peut s’empêcher de mettre un terme très prématuré à chacune de ses aventures, de les « rompre » tant il craint d’aimer et d’être aimé… Evidemment, cette disposition mentale vient de loin : de l’enfance, de douleurs enfouies, d’humiliations passées… Mais tout, ici, prend un aspect drolatique et fort peu psychanalytique. Dans ce dialogue, la « rupture » sert ainsi de prétexte à une variation sur la solitude, sur la jalousie, sur l’enfer narcissique, sur la violence amoureuse. Formules et aphorismes fusent sous la plume moixienne. L’écrivain se reproche, au fond, de ne pas savoir aimer – les femmes, bien sûr, mais aussi, et surtout, lui-même. Et c’est sur cette note tenue qu’il compose ce « journal d’un séducteur-destructeur ».
Notre avis : On ne fera pas chorus aux indignations qui ont monté une certaine phrase de Yann Moix en épingle. On ne validera pas non plus cette réponse de l’écrivain à une question du passionnant Marie-Claire. On constatera simplement que l’interview dont elle est extraite a quasiment éclipsé Rompre, ses intentions littéraires, bien que l’ouvrage figure en bonne place dans les meilleures ventes, ce qui est toujours l’essentiel pour un éditeur. Non, à tout prendre, seule nous intéresse la forme donnée à ce récit âpre, intense d’une défaite amoureuse : il y a d’abord une exergue, plutôt étonnante, signée par un certain Gaspard Lenoir. Etre imaginaire, évidemment, mais qui, en l’occurrence, inscrit la confession dans une perspective fictionnelle. D’ailleurs, la couverture l’indique : roman. Pas autobiographie. Alors, certain(e)s soulèveront volontiers le rideau du confessionnal pour y entendre les aveux d’un fautif ou -version plus hospitalière- d’un polytraumatisé du sentiment amoureux.
Mais nous ce qu’on lit, c’est une situation-cadre, plutôt goguenarde, qui évoque un "animal épuisé", désormais retiré du monde, émetteur d’une improbable carte depuis l’île de Pâques, dans laquelle il confie son désir de "bien se comporter" avec lui-même. Evidemment, sans cette introduction plutôt iconoclaste, inutile de croire que les propos à suivre ne sont pas la confession d’une terrible histoire d’amour vécue par Yann Moix. Himself. D’autant que l’intéressé, piqué par les accusations récentes, a affiné son autoportrait pour lui donner un tour plus psychanalytique, à travers des interviews de plus en plus répétitives.
Ce n’est pourtant pas ce qui nous retient le plus : peu nous chaut que l’écrivain soit un adolescent attardé. Il importe davantage qu’à partir d’une situation, l’auteur revisite à bien des égards les Fragments d’un discours amoureux, pour configurer les multiples figures de l’aimant, dans des états extrêmement dissemblables, parfois simultanés, où l’inconsolable prend la main de l’orgueilleux qui voisine avec l’intransigeant, avant que le rideau ne tombe sur des abîmes de solitude. Le style volontiers ample, parfois emphatique, cavalcade comme un cœur arraché à son foyer, mais n’oublie jamais qu’il s’inscrit dans un jeu littéraire : celui d’une interview. L’auteur répond à des interrogations sur sa propre histoire sentimentale. Or, quel quidam subirait un feu nourri de questions ? Il faut bien que le malheureux transi soit une célébrité pour susciter l’intérêt de l’intervieweur.
D’où cette impression très étrange : la sincérité propre à une entreprise autobiographique côtoie la pure artificialité d’un dispositif fictionnel. Finalement, à aucun moment l’écrivain Yann Moix ne laisse à son personnage malheureux le soin de lui voler la vedette.
Parution : 02-01-2019
Editions Grasset
128 pages - 122 x 185 mm
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