Retriever

Une nouvelle génération de crooners est apparue ces dernières années, dominée par les artistes cités plus haut. Ceux-ci ont troqué le costume trop grand du beau mec viril à la voix grave, pour des frusques de dandy décalé et une voix qui va souvent puiser sa source dans des aigus téméraires. Récemment, l’Américain Rufus Wainwright a fait très fort avec Want one, son ambitieux troisième album qui alterne morceaux dépouillés et orchestrations luxuriantes (parfois à la limite du supportable, lorsque celles-ci se nourrissent du thème central du Boléro de Ravel !)

Mais Ron Sexsmith n’est pas homme à se laisser aller à de telles extravagances. Certes, il a connu des envies similaires d’expérimentation (les productions alambiquées de Mitchell Froom, puis les habillages plus électroniques de son dernier album Cobblestone runway), mais il a sans doute compris que le meilleur écrin pour la voix d’un songwriter se bâtit dans la nuance. En ce sens, Retriever le voit revenir vers ses premiers disques (on pense à Ron Sexsmith ou à Whereabouts) pour la simplicité des compositions et de l’instrumentation, seulement rehaussée ici par la production discrète de Martin Terefe. On retrouve bien un quintette à cordes et plusieurs pianistes sur le disque (dont Ed Harcourt, pourtant songwriter rival), mais la sobriété semble avoir été de mise lors des enregistrements. Une sobriété qui, contrairement aux disques du début, n’est pas due au manque de moyens mais bien à un choix artistique.

Dès lors, l’oreille de l’auditeur s’attarde comme il se doit sur les chansons, et reconnaît encore une fois la plume inimitable de Sexsmith lorsqu’il s’agit de conter la résistance de sentiments purs au sein d’une société vouée au cynisme et à l’opportunisme (Imaginary friends, Happiness, For the driver).