Retour sur Belzagor - La chronique BD

Eddie Gundersen fait son retour sur Belzagor, huit ans après l’avoir quitté. Beaucoup de choses ont changé, notamment le nom de la planète. De fait, elle a été rendue à ses habitants premiers, deux espèces qui avaient été jugées sauvages, barbares aux yeux des premiers colons. Cette adaptation BD reprend un roman de Robert Silverberg, Les Profondeurs de la Terre, qui en 1970 exprimait parfaitement les ravages de la colonisation, et les ambiguïtés de la période de décolonisation. C’est grâce à la science-fiction, excellent miroir du monde, d’hier et d’aujourd’hui à travers celui de demain, que la vérité historique se retranscrit. Gundersen est un héros antipathique, raciste envers les deux espèces dominantes, dont l’une pachydermique (Nildoror), et même assez méprisant envers ses congénères. Les raisons de son retour sont nébuleuses, il accompagne un couple de scientifiques pour tenter de percer les secrets des rites des peuples jugés primitifs. En chemin, des souvenirs et des personnes vont resurgir : ancienne maîtresse, ancien supérieur à moitié fou et drogué, trafiquant dénoncé par le héros... Des inimitiés et un climat étouffant, entre tension sexuelle des protagonistes, faune et flore sauvages hostiles, qui n’est pas sans rappeler les expéditions des mondes d’Aldébaran de Léo, le message vanté par Aquablue ou même plus récemment Avatar au cinéma. Ce qui est fort, c’est que le message de tolérance est aussi noble que les personnages sont bas et vils. Pourtant, l’ensemble est cohérent, fonctionne bien, et se révèle très prenant à mesure que l’expédition s’enfonce dans les territoires brumeux qui mènent au sanctuaire des Nildoror.

© Les Humanoïdes associés

Le dessin de Laura Zuccheri a bien capté à la fois ce côté sombre des personnages, qui sont rendus avec leurs grimaces et leurs colères, et aussi le côté luxuriant et envoûtant des décors, des jungles fictives, plages imaginaires aux animaux fantastiques. Un contraste fort qui se poursuit lorsque Gundersen croise la route d’un vieux sage éléphantesque, qui prend des poses de dieu hindou alors que l’autre reste coincé dans une attitude égoïste, finalement profondément humaine. Les planches forment un ensemble là aussi sérieux, cohérent, sans folie mais avec un déroulé prenant, comme un bon roman qui a compris que sa mécanique de narration accrochait son lecteur. De belles planches qui font regretter que la série ne comptera au final que deux éléments.

© Les Humanoïdes associés

Difficile de dire que cette première moitié d’histoire pourra être totalement complétée par sa seconde partie, tant elle est riche de promesses et de ramifications. Le scénario, simple au départ, se complexifie comme la jungle qui lui tient de cadre, proposant ce que la science-fiction a de meilleur : des mondes lointains mais des sujets proches.

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