Le 5 avril 2019
Dans un oratoire du XIIe siècle désaffecté, un copiste dépose des partitions sur des pupitres. Une répétition d’orchestre va avoir lieu. Un grand Fellini.
- Réalisateur : Federico Fellini
- Acteurs : Balduin Baas, Clara Colosimo
- Nationalité : Allemand, Italien
- Distributeur : Les Acacias
- Durée : 1h10mn
- Reprise: 10 avril 2019
- Titre original : Prova d'orchestra
- Date de sortie : 18 mai 1979
- Festival : Festival de Cannes 1979
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Résumé : Des répétitions pour un concert symphonique ont lieu dans un ancien oratoire. Les instrumentistes arrivent en petits groupes et prennent leur place. Il y a aussi des représentants syndicaux dans un coin. Un journaliste de télévision, accompagné de sa troupe, interviewe les musiciens : tout le monde parle de son instrument et de ses expériences. À l’arrivée du maître, qui s’exprime avec un fort accent allemand, la répétition commence calmement. Soudain, un litige entre le chef d’orchestre et les musiciens oblige à interrompre la répétition. Le directeur quitte la salle pour sa loge où le journaliste le suit pour l’interviewer. Pendant ce temps, dans l’oratoire c’est la révolution : les musiciens se disputent entre eux, le chef d’orchestre est menacé de mort, les partitions sont éparpillées partout dans la pièce ; l’anarchie et le désordre règnent, avec des murs tachés d’écrits et de symboles de révolte. Tout à coup, le bâtiment commence à trembler, secoué par des coups de plus en plus puissants, jusqu’à ce qu’une boule d’acier géante perce les murs, provoquant la mort de la harpiste. Après des moments de confusion et des cris de terreur, le silence revient et la répétition reprend. De retour sur le podium, le chef d’orchestre donne ses ordres, à la manière d’un dictateur.
Notre avis : Comme le rappelait le journaliste E. Franck sur les pages de l’Express en 1995 / « En 1975, dans les studios de Cinecittà, Fellini assiste à l’enregistrement de la bande-son de son film Casanova. Soudain, le chef d’orchestre est interrompu par les gesticulations d’un percussionniste. La simple présence d’une équipe de télévision réalisant un reportage sur le cinéaste, déclenche l’ire des instrumentistes, qui, pour continuer à jouer, exigent un cachet supplémentaire. Le producteur refusant de payer la séance de travail, est interrompue dans un tollé. Fellini vitupère cette r« ace de mercenaires ». Deux ans plus tard, cet accident inspira au cinéaste l’œuvre Répétitions d’orchestre. Ce film produit pour la télévision est considéré comme l’une des œuvres mineures du cinéaste, en raison de sa durée d’à peine 70 minutes et de sa structure en huis clos. Cependant, quarante ans après sa sortie, il frappe toujours pour le style de la mise en scène, insolite pour Fellini car elle s’aligne sur style du journalisme d’enquête.
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Dès le début, le générique s’installe dans un brouhaha typiquement urbain : voitures, piétons qui parlent fort, klaxons, sirènes. A ce chaos s’oppose l’espace silencieux de l’oratoire, un espace en dehors du temps, comme l’explique le copiste, dont la sacralité hiératique va être rapidement brisée par l’arrivée progressif de la horde des musiciens, chargés de leur médiocrité bruyante. Dans cette dichotomie, entre le sacré et le profane, Fellini met en place une série de réflexions.
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La séquence des interviews des membres de l’orchestre s’inscrit telle une méditation sur la place de l’homme dans le processus créatif. Les orchestraux se confient à la caméra de Fellini. Ils dévoilent délicatement un lien fusionnel entre l’homme et l’instrument, jusqu’à pousser ce lien à son paroxysme. Ainsi, la musique est-elle jouée par l’homme ou celui-ci serait-il finalement seulement l’instrument de la musique.
Plus tard, la séquence de l’interview du chef d’orchestre, seul à part dans une unité de lieu brisée, constitue l’occasion pour le réalisateur d’effectuer une autocritique, presque un mea culpa. Après un monologue sur l’importance de bien jouer son instrument, qui semble inspiré de la pensée de Jung, le chef d’orchestre, sorte d’alter ego du cinéaste, retourne sur le podium seulement pour apostropher les musiciens de manière dictatoriale, en allemand.
Finalement, le film demeure avant tout une métaphore sur le chaos politique dans lequel se trouvait l’Italie au lendemain de l’assassinat d’Aldo Moro, président du parti Démocratie Chrétienne tué par les Brigades Rouges en mai 78. C’est Fellini lui-même qui l’avoua au journaliste Goffredo Fofi longtemps après la sortie du film : « Que voulaient-ils faire ceux qui l’avaient tué ? Que nous-est-il arrivé à nous qui vivions dans ce pays ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Il n’y avait pas de lien direct entre ces questions et le film, du moins je ne m’en rendais pas compte. J’ai ressenti la connexion longtemps après, alors que le film était déjà terminé. La clef de tout était l’assassinat de Moro ».
En ce sens, Répétition d’orchestre se charge plus que tous les autres films de Fellini d’une dimension politique et sociologique ; à distance de trois décennies, cela reste une œuvre effrayante par l’actualité qu’elle dégage, ce que renforce la fraîcheur de l’image restaurée. Un microcosme de notre monde occidental, un miroir de notre société, où règne, selon Fellini, l’angoisse de la terreur quotidienne.
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