Le 8 juillet 2020
- Scénariste : Maïté Labat
- Dessinateur : Alexis Vitrebert
- Editeur : La Boîte à bulles
- Date de sortie : 11 décembre 2019
A l’occasion du festival d’Angoulême nous avons rencontré les deux auteurs de cette BD pour évoquer avec eux une facette méconnue de l’histoire du château et leur rapport à Versailles.
Joyau du patrimoine français, le château de Versailles dispose d’une renommée mondiale. Le somptueux édifice est une vitrine du pouvoir dont les chefs d’États d’hier et d’aujourd’hui se sont servis pour se mettre en scène. Si le rayonnement de Versailles constitue une évidence de nos jours, le château a connu une longue éclipse durant le second XIXe siècle. En effet, l’édifice n’est classé qu’en 1906, bien longtemps après la création du poste d’inspecteur général des monuments historiques dans les années 1830… La restauration du château et sa « redécouverte » doivent beaucoup au conservateur Pierre de Nolhac qui, sous la IIIe République, a mené un long combat pour que l’édifice retrouve sa splendeur. C’est cette histoire républicaine du château de Versailles et de son conservateur que racontent la scénariste Maïté Labat et le dessinateur Alexis Vitrebert dans Le Château de mon père.
àVoir-àLire. Pouvez-vous revenir sur la genèse du Château de mon père ?
Alexis Vitrebert. J’ai été contacté par Maïté qui m’a proposé de travailler avec elle sur un album conçu à partir des mémoires de Pierre de Nolhac. Je ne connaissais pas du tout ce personnage et le château de Versailles n’est pas ma tasse de thé. Mais lorsque Maïté m’a envoyé le script de l’album, j’ai été convaincu par l’angle du récit, qui se concentre sur un aspect méconnu de l’histoire de Versailles. Et l’histoire de Pierre de Nolhac m’a séduit. J’ai ensuite soumis deux planches à l’éditeur et au château de Versailles, qui ont été validées.
Maïté Labat. J’ai travaillé pendant 8 ans et demi au château de Versailles. J’y ai notamment découvert les mémoires de Pierre de Nolhac : en les lisant, je me suis dit que cela ferait un très beau sujet de récit. J’ai présenté mon projet au château de Versailles. J’ai contacté Alexis après être tombée sur ses illustrations dans un livre du collectif Croc en jambes. J’ai beaucoup aimé son trait.
Combien de temps s’est-il écoulé entre le début du projet et la publication ?
M.L. Il s’est passé trois ans et demi entre le moment où j’ai eu l’idée originale et la publication. Il a fallu du temps pour fouiller les archives, trouver et rassembler toute l’iconographie de l’époque et écrire le scénario. Alexis a passé du temps pour définir le style graphique de l’album.
A.V. Nous avions le projet de faire coïncider le livre avec l’exposition Versailles Revival. Et Le Château de mon père est ma première bande dessinée publiée : je n’avais pas vraiment de repère de temps.
Qu’est-ce qui vous a plu dans les mémoires de Pierre de Nolhac ?
M.L. Dans ces mémoires dictés à son secrétaire en 1935, Pierre de Nolhac raconte 30 années de vie professionnelle. Je me suis beaucoup amusée à lire ces mémoires, ainsi que les carnets inédits où il évoque sa vie de famille. Les résonances de ces mémoires avec les questions qui se posent toujours aujourd’hui au Château, comme les débats sur la manière d’effectuer certaines restaurations ou les problèmes liés aux réductions de budget, sont passionnantes.
A.V. De mon côté, j’ai surtout lu les articles consacrés à Pierre de Nolhac et tout ce que Maïté a écrit sur lui. Et comme tout dessinateur, j’ai mis un peu de moi dans les personnages…
- Maïté Labat - Alexis Vitrebert / La Boîte à Bulles
Comment avez-vous opéré pour représenter Versailles ?
A.V. Maïté m’a fourni des photos et les archives qu’elle a récupérées au château de Versailles,à la Bibliothèque nationale de France et ailleurs. Elle m’a également fourni plusieurs livres sur le Versailles de l’époque. Ce matériel m’a permis de m’imprégner de l’ambiance de cette époque. J’ai fait des recherches complémentaires lorsque j’ai réalisé le storyboard, et je me suis rendu au Château. Le style graphique s’inspire directement des photos d’époque qui m’ont servi de documentation.
M.L. De mon côté, j’ai mené un travail d’investigation personnelle. Le château de Versailles m’a ouvert ses archives, et j’ai mené des recherches sur le portail Gallica de la Bibliothèque nationale de France. Je me suis imprégnée du Versailles d’hier et d’aujourd’hui. Par ailleurs, une partie de mon travail à Versailles était de proposer des histoires et des images au public sur le site internet et les réseaux sociaux : j’ai donc contribué à construire l’image de Versailles en ligne, et cette activité m’a beaucoup aidée à sélectionner des éléments de documentation. On est resté constamment en contact avec Alexis, qui a apporté un regard neuf, de l’extérieur, sur le Château.
L’album dresse un portrait fascinant du conservateur Pierre de Nolhac…
M.L. Je tenais à faire un portrait fidèle de cet homme. Pour ce faire, nous avons mené l’enquête auprès de ses descendants. Nous ne voulions pas en faire un héros ou un anti-héros, mais être au plus proche de la réalité des faits. Pierre de Nolhac trouve Versailles dans un état lamentable à son arrivée en 1887 et il dirige un chantier colossal de réhabilitation. Il mène ce projet qui lui tient à cœur, sans doute au détriment de sa vie de famille.
- Maïté Labat - Alexis Vitrebert / La Boîte à Bulles
De quel bord politique était Pierre de Nolhac ?
M.L. On pense qu’il fut un républicain modéré, sans aucune certitude. Il entretenait une relation paternelle avec les gardiens, d’où le personnage d’Eugène qui est inventé. C’était un homme dur, et totalement dévoué à son travail.
Pourquoi avoir réalisé une histoire de la patrimonialisation de Versailles ?
M.L. Je désirais faire un roman graphique d’histoire. Cet angle d’approche m’a paru pertinent pour montrer que Versailles n’a pas toujours été une évidence, en particulier sous la IIIe République. Le Château n’est classé qu’en 1906 à l’inventaire des Monuments historiques.
A.V. J’ai pris conscience après coup de la complexité de l’histoire du Château. On a associe tous au premier abord Versailles à la monarchie. Faire une histoire républicaine de Versailles est une manière de se réconcilier avec ce Château.
Quel rôle a joué l’institution château du Versailles ?
M.L. Nous avons eu deux éditrices, dont une qui travaille au château de Versailles. Les équipes ont cru dans le projet et l’ont soutenu. Le conservateur au Château Yves Carlier nous a donné des conseils scientifiques, même si on a pris quelques libertés dans le récit.
Pour finir : avez-vous d’autres projets en cours ou à venir ?
A.V. Je travaille sur un nouveau projet de bande dessinée chez Delcourt, un roman graphique historique également avec un angle plus "exotique" que le Château de mon père, sur un explorateur du XIXe siècle. Mais je n’en dirai pas plus pour le moment... Je fais aussi une résidence pour monter un spectacle de lectures dessinées aux jeunes enfants avec Monia Lyorit. Ce projet donne lieu à un livre, qui sera distribué après le spectacle.
M.L. J’ai envie de faire d’autres bandes dessinées, mais je n’ai pas encore de projet concret. J’aimerais bien aussi réaliser un livre pour enfants et explorer d’autres genres narratifs.
Le Château de mon père
La Boîte à bulles
168 pages - 24 €
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Galerie photos
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