Ram - la critique de l’album

Notre avis : Que choisir dans la longue et prolifique discographie de Paul McCartney ? Côté Wings, Band on the run semble créer un consensus, mais si on y regarde bien, cet album n’est peut-être pas le chef-d’oeuvre ultime d’une carrière solo qui accusa parfois de sévères coups de pompe. Alors quoi ? Le premier album McCartney, bricolé à la hâte avant la séparation des Beatles ? Non, trop de déchets. Le deuxième tient mieux la route, démoli en son temps par la critique qui se rangeait plutôt du côté de Lennon le rebelle. 1971, c’est l’année d’Imagine et pas besoin de faire un dessin. A côté de la grande fresque lyrico-humaniste de John, Ram paraît une oeuvre artisanale qui ne se paie pas de grands messages, mais soutient largement la comparaison pop avec n’importe quel album des Fab Four : The back seat of my car n’a absolument rien à envier à Golden Slumbers sur l’ultime opus du groupe, Macca confirmant son talent inné pour les mélodies imparables, Uncle Albert/Admiral Halsey aurait également occupé une place de choix sur le medley d’Abbey Road, par ses ruptures de rythme inventives (le passage du premier au deuxième morceau, de la ballade apaisée à la chanson piano-bar, évoque l’enchaînement Sun King-Mean Mr Mustard). On a l’impression que la prolixité musicale du bassiste l’oblige à disséminer ses idées dans des collages plutôt que de les éparpiller sur un double album qui, certes, aurait eu de l’allure. La facilité avec laquelle McCartney explore trois décennies de musique populaire, de la country sur le bien nommé Heart of the country, au rock le plus rocailleux à la Screamin’ Jay Hawkins (Monkberry Moon Delight), en passant par les clins d’oeil aux Fab Four (trompette très Penny Lane sur la coda de Long Haired Lady, harmonies vocales avec Linda, arrangements orchestraux lorgnant sur ceux de George Martin), ne laissent pas d’impressionner, même si l’intention de Paul n’est assurément pas d’en mettre plein la vue, plutôt de chanter son bonheur d’une vie simple, à la campagne, ce qui suscitera les railleries de ses détracteurs. "Tu vis avec des bourgeois qui te disent que t’es le roi", se moquera son alter-ego de Liverpool sur How do you sleep : critique bien injuste au demeurant et Lennon le savait, à qui McCartney tend une main fraternelle, entre les mots, sur Dear Boy, tout en s’en prenant à ces gens qui donnent des leçons à tout le monde sur Too many people (John et Yoko ?). Un an après la séparation des Beatles, les sentiments du bassiste sont ambivalents, mais l’influence du groupe que prolonge ce superbe album démontre que des quatre musiciens, c’est sans doute lui qui a le mieux capté l’héritage.