Quixotic

D’entrée de jeu, Martina semble vouloir imposer sa signature en prouvant que Topley Bird ne rime pas forcément avec Tricky. Mal lui en prend. Les quatre premiers morceaux, qui naviguent sur une mer lisse et claire que les plaisanciers Morcheeba ont l’habitude d’emprunter, ennuient. La production ambitieuse (David Holmes et Tricky lui-même sont aux manettes) oscille entre luxuriance et sécheresse, mais ne peut cacher d’évidentes carences en écriture (Anything et son refrain, "I don’t want anything but you, I don’t need anything but you", rivalisant de platitude avec Soul Food et ses références convenues aux "Good Times", où Martina tente en vain de battre Macy Gray sur son propre terrain).

Mais assez inexplicablement, alors que l’on allait abandonner là l’exploration de Quixotic, voilà que Martina nous fredonne une Lullaby minimale et inspirée, où une guitare acoustique tente de garder une voix en équilibre sur un fil rythmique. Intéressant. Puis c’est le grand virage : un cri sauvage ouvre Too Tough To Die, une rythmique tendue et âpre surprend, et voilà Martina transformée en prêtresse vaudoue. Après un joli Sandpaper Kisses vient Ragga, qui apporte son lot de nostalgies : la diction heurtée de Tricky, un canevas à la Massive Attack période Blue Lines, et l’auditeur est finalement bluffé.

Sur le reste du disque, la chanteuse enchaîne ballades cotonneuses (I Still Feel) ou destructurées (Llya), pour séduire sur la distance, pour peu que l’on accepte de faire avec quelques boursouflures musicales et platitudes d’écriture. Car paradoxalement, c’est vraiment lorsqu’elle se rapproche de l’univers aride de Tricky qu’elle paraît trouver son propre chemin, forcément pas très éloigné de celui du maître. On ne se refait pas.