Petit cinéaste deviendra grand
Le 15 juillet 2013
Quatre ans après l’intéressant mais timoré Sans arme, ni haine, ni violence, Jean-Paul Rouve reprend sa casquette de metteur en scène et nous livre une oeuvre d’une grande poésie, en s’affirmant par la même occasion comme un cinéaste au talent rare.
- Réalisateur : Jean-Paul Rouve
- Acteurs : Benoît Poelvoorde, Jean-Paul Rouve, Miou-Miou, Claude Brasseur, Arly Jover, Gilles Lellouche, Xavier Beauvois, Lisa Martino, Miljan Chatelain
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Durée : 1h35mn
- Titre original : Quand je serai petit
- Date de sortie : 13 juin 2012
Quatre ans après l’intéressant mais timoré Sans arme, ni haine, ni violence, Jean-Paul Rouve reprend sa casquette de metteur en scène et nous livre une oeuvre d’une grande poésie, en s’affirmant par la même occasion comme un cinéaste au talent rare.
L’argument : À l’occasion d’un voyage, Mathias, 40 ans, croise par hasard un enfant qui lui fait étrangement penser à lui au même âge. Profondément troublé, il se lance dans une quête insensée sur les traces du petit garçon qui risque bien de bouleverser son existence et son équilibre familial… Et si l’on pouvait revivre son enfance, pourrait-on alors changer le cours des événements ?
Notre avis : Nombreux sont les acteurs qui s’essayent à la mise en scène mais peu sont finalement ceux qui arrivent à s’affranchir de leur métier originel, préférant mettre en valeur dans le cadre leur propre jeu ou celui de leurs collègues. Ce qui frappe dès les premières minutes de ce Quand je serai petit, c’est la manière dont Jean-Paul Rouve arrive à créer une ambiance mystérieuse en quelques plans, par la simple utilisation d’un découpage lent et vaporeux, en laissant les images s’exprimer... Un couple prend place dans un bateau pour effectuer une croisière. Sur le pont du navire, le regard de Mathias, le mari, est attiré par un enfant qui lui fait penser à lui-même quand il avait son âge. En l’observant, il remarque que ce dernier se comporte de manière similaire à ses propres actions. A son retour à Paris, cette rencontre obsède l’homme qui, grâce aux indices qu’il aura glané sur le navire, ne va pas tarder à retrouver le mystérieux petit garçon.
Sa quête se poursuit au nord du pays, dans un Dunkerque filmé en pleine lumière, traduisant la tendresse que porte l’auteur à sa ville natale. Rouve continue de jouer la carte de l’économie de dialogues, privilégiant la poursuite de la mise en place d’une ambiance hypnotique au détriment de l’action. Sans explication superflue, en suivant simplement le personnage de Mathias dans ses recherches, on comprend rapidement que l’enfant est réellement lui-même, habitant dans la même famille que celle où il vivait il y a plus de trente ans. Jamais le récit ne cherchera à rationaliser cet état de fait. Choix judicieux car le spectateur, emporté par l’émotion que transmet Rouve par la seule force de ses images, se moque bien de la cohérence de ce qui se passe à l’écran.
Se refusant à intellectualiser une histoire flirtant parfois avec le fantastique, Rouve se concentre alors sur les conséquences d’une telle rencontre. Repoussant avec pertinence la scène tant attendue du premier contact entre Mathias adulte et son jeune homologue, il prend son temps pour nous présenter cette famille d’apparence banale, solidifiant ainsi les enjeux de son récit au gré d’aller-retours temporels pertinents, symbolisés par les incessants voyages qu’effectue le personnage principal, entre Paris et Dunkerke. Le présent et le passé s’entrechoquent, les personnages, jeunes et vieux, se répondant dans un jeu de miroir à la force poétique rare. On cerne peu à peu les personnalités de chacun, les secrets derrière les non-dits et le drame qui a frappé l’enfance de Mathias. Dans le rôle d’un père au destin tragique, le toujours impérial Benoît Poelvoorde trouve peut être son meilleur rôle dramatique depuis fort longtemps, pilier d’un casting au demeurant impérial.
La dernière partie du film se focalise essentiellement sur les interactions entre l’adulte et l’enfant. On ne peut que souligner la profonde justesse qui émane de ces passages. Epaulé par un jeune acteur dont l’immense talent éclate à chaque scène (Miljan Chatelain, déjà aperçu dans le Ruban Blanc d’Haneke), Rouve nous offre une représentation de l’enfance à mille lieux des clichés habituels. Dénué de toute puérilité, le jeune garçon qu’il dépeint agit et s’exprime simplement, avec une profonde intelligence et une vraie tendresse dans le regard. Le respect que Jean-Paul Rouve témoigne à ce personnage prouve qu’il a tout compris aux enfants, ces êtres humains "neufs", souvent beaucoup plus sincères et directs dans leurs sentiments que leurs homologues adultes. La scène finale, à la fois courageuse et terrassante d’émotion, témoigne de la profession de foi d’un Jean-Paul Rouve pour qui un enfant a le droit d’être traité avec la même franchise que n’importe qui.
On pourrait reprocher au métrage quelques longueurs, quelques scènes superflues, quelques thématiques sacrifiées au détriment d’autres... mais ce serait ne pas faire honneur à une oeuvre comme on en voit peu dans l’hexagone, dénuée de tout cynisme et exploitant au maximum son point de départ quasi-surnaturel pour nous offrir un récit à l’incroyable puissance émotionnelle. Visiblement beaucoup plus décomplexé dans son rôle de cinéaste qu’il ne l’était il y a quatre ans, Jean-Paul Rouve s’affirme comme un metteur en scène à la sensibilité rare, capable de se livrer avec courage et intelligence, tout en comprenant qu’une histoire de cinéma se raconte avant tout par les images et avec le coeur.
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Frédéric de Vençay 10 juin 2012
Quand je serai petit - la critique
Cette seconde oeuvre honorable de Jean-Paul Rouve est certainement plus assurée et aboutie que la première, le cinéaste en herbe ayant pris soin, cette fois-ci, de ne pas s’attaquer à sujet plus grand que lui. Avec une économie de moyens bienvenue et une absence d’humour potache, "Quand je serai petit" parvient à faire cohabiter son canevas semi-fantastique avec une histoire familiale toute en émotions feutrées. Le problème est que le film finit par payer cette modestie : devant des enjeux finalement pas très neufs ni tout à fait bouleversants, on se demande à quel moment le récit finira par décoller, enfin. "Quand je serai petit" laisse ainsi l’impression d’un long-métrage qui n’en finit jamais de commencer, d’une oeuvrette fragile qui ne prend son envol que dans les toutes dernières minutes (pas les plus réussies d’ailleurs). Un essai intéressant, soutenu par un Rouve solide et un Poelvoorde tout en humanité ; mais on attend que le comédien-cinéaste s’émancipe un peu plus pour confirmer les quelques promesses formulées ici.
birulune 6 mars 2018
Quand je serai petit - la critique
Il veut pas retrouver son âme d’enfant mais guérir ses blessures nées de traumatisme enfantin. Le film fait un peu penser à un film pour divorcé avec ce personnage se concentrant surtout sur l’enfant qu’il est (Rouve est formidable dans les scènes avec le gosse) et mettant de côté femme et enfant pour s’occuper avant tout de lui-même.
Il sait parler aux enfants et c’est touchant peut-être un peu trop.
Il arrivera à guérir à force de se parler à lui-même évidemment mais il manque de temps en temps de la musique douce ou des effets sonores pour nous indiquer les enjeux des scènes à émotion.
A la jouer tellement serein et posé il refait comme avec son premier film qui contenait en tout et pour tout qu’une seule scène d’action ! (pour un film de braquage c’est peu)
Pas de pathos ni de guimauve. Faire un film pour mecs mais un film pour mecs sensibles quand même c’est jouer sur 2 tableaux en même temps et on est un peu perdu. Il y a du Lelouch dans sa façon de filmer les gens même si la mise en scène est ultra-maitrisée on sent qu’il a voulu (et réussi) à donner un vrai cachet de vraisemblance et de naturel à ses scènes. Tout à l’air vrai alors qu’on est dans du fantastique. Troublant. Mais pas dérangeant. Chose rare !
birulune 25 mars 2018
Quand je serai petit - la critique
La scène finale a de la musique guimauve émouvante et on est emporté par ce torrent de sentiments même si Rouve a pas construit tout son film dans le seul but de faire une telle scène finale on a envie de dire que c’est cette nonchalance qui précède le point fort final qui est le point fort du film. Et en même temps on n’aurait jamais pardonné à un Robin des bois de faire un film guimauve. C’est un peu leur fond de commerce de se foutre ouvertement de la gueule des films guimauve ou de cape et d’épée... Tout le cinéma ultra codé (guimauve, film de costumes etc) était leur bête noire et on se rend compte que c’était peut-être un hommage
Rouve fait mieux que le Papa (le film) de son comparse Maurice Barthélémy dans la veine on refait le monde (Quand Je Serai Petit) au lieu de revivre pleinement un traumatisme pour l’accepter et apprendre à vivre avec (dans Papa Chabbat fait un road trip avec son petit bésot après la mort accidentelle du petit frère de celui-ci et il arrive enfin à parler de ce grand traumatisme qu’est la mort subite du nourrison)