Le 7 février 2025


- Scénariste : Didier Tronchet>
- Dessinateur : Jean-Philippe Peyraud
- Collection : 1000 Feuilles
- Genre : Chronique sociale, Politique, comédie
- Editeur : Glénat
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 22 janvier 2025
Une comédie politique qui, à travers une histoire cocasse de « première dame », fait une satire de la figure présidentielle.
Résumé : Le président Thierry Langlois, homme politique élu au centre avec les voix de la droite et ancien rugbyman, traverse une mauvaise passe, tant sur le plan politique – à un an des élection, les sondages sont en baisse, et son ministère de l’Intérieur rêve de l’évincer – que personnel, puisque son ex-femme prévoit de sortir un livre incendiaire… Depuis l’Élysée, ses conseillers concoctent un plan : et si le Président se mariait ? Cela pourrait faire remonter sa cote de popularité, et ferait la « Une » de la presse people. Pour cela, il faut trouver la personne adequat. Ils sondent en particulier une ex Miss France… mais le président s’entiche de Victorua Coraly, une actrice du cinéma indépendant, militante en faveur des droits des migrants ! La jeune femme n’a d’abord aucune intention de se laisser séduire par cet homme loin de ses valeurs de gauche. Mais les circonstances font qu’elle finit par accepter un rôle : celui de « Première Dame », à la faveur d’une sorte de pacte négocié avec l’Élysée. Victoria y voit un moyen de faire avancer ses idées politiques progressistes…
Critique : Dans la Ve République, la fonction de « Première Dame » occupe une place particulière dans notre imaginaire : influente mais non-élue, l’épouse du président – l’inverse ne s’est encore jamais produit… – bénéficie d’avantages octroyés par le pouvoir de son mari. C’est de ce pouvoir d’influence, alimenté par la machine médiatique, dont souhaite jouer Victoria Coraly dans la bande dessinée imaginée par Didier Tronchet (scénario) et Jean-Philippe Peyraud. Au menu : une satire franchement drôle des mœurs politiques, et une réflexion sur les vrais lieux du pouvoir. Entre un ministre de l’Intérieur qui utilise les services de l’État face au président, des conseillers qui font et défont des réputations en élaborant des plans foireux et une Première dame à la « Une » de tous les journaux, le pouvoir n’est pas toujours là où on le croit.
- © Didier Tronchet, Jean-Philippe Peyraud / Glénat
Le duo imagine un Président brut de décoffrage, qui possède les traits de plusieurs figures présidentielles : comme Emmanuel Macron, Thierry Langlois est centriste et volontiers disruptif. Comme Hollande, il fait des virées pour aller voir celle qu’il aime, semble parfois un peu falot, et fait face au sentiment de revanche de son ex-épouse. Comme Nicolas Sarkozy, il s’avère volontiers éruptif. Ces références bien senties participent au plaisir de lecture de cette fiction politique à l’intrigue bien construite.
Comme toutes les comédies, Première dame force le trait, mais tout en restant plausible. Et la Ve République n’a-t-elle pas elle-même connu ses vaudevilles ? Si l’album contient une morale – ce qui n’est pas son but premier – c’est que la politique est d’abord le fait d’hommes (et de femmes) en cher et en os, placés devant le feu des projecteurs et soumis à des éléments qu’ils ne maîtrisent pas toujours. D’où la métaphore de l’actrice : comme au cinéma ou au théâtre, la politique serait un rôle comme un autre.
- © Didier Tronchet, Jean-Philippe Peyraud / Glénat
Sur le plan graphique, on sent Jean-Philippe Peyraud influencé par Quai d’Orsay, la grande comédie politique dessinée par Christophe Blain. On retrouve les mêmes scènes d’intérieur, une attention portée sur le mouvement de personnages aux traits simplifiés et anguleux, et des dialogues percutants. Et comme Quai d’Orsay, Première dame s’avère finalement assez tendre avec ses personnages principaux.
Comédie politique à l’humour mordant, Première dame s’inscrit dans une veine connue mais séduit en déplaçant la focale vers un personnage féminin non-élue qui se retrouve, par un concours de circonstance, dans une position de pouvoir. Astucieux.
272 pages – 25 €