Pleine Lune 2 : Retour sur Terre pour Scylla et Sofiane Pamart

Copyright : Samito

Notre avis : Avec Pleine Lune, on avait quitté Scylla en quête de sérénité et d’apaisement, signifié notamment par son désir d’ailleurs ; son désir de tout quitter, pour profiter de la tranquillité de la lune. Mais comme PNL qui rêvait également de quitter le monde, tout a une fin et ce que l’on voulait au départ fuir finit par nous rattraper et même nous manquer. Pleine Lune 2, suite directe du premier – au point qu’il en reprend dès le premier morceau l’obsession pour ce satellite si fort symboliquement – fait état d’une prise de conscience de la beauté, sur ce que l’on avait abandonné lorsque l’on est loin d’elle. Se détacher du monde a ses avantages et Scylla sait magnifiquement les exprimer, mais cela finit également par peser, par créer un vide, un manque, que Scylla sait également magnifiquement exprimer. Qui dit retour sur Terre pour le rappeur et son acolyte Sofiane Pamart, dit forcément côtoyer à nouveau les êtres humains. Cela n’empêche pas à Pleine Lune 2 d’être toujours aussi rêveur et aérien. En revanche cette rêverie est désormais partagée avec autrui. Le premier opus collaboratif entre le chanteur et le pianiste avait ceci d’intimiste qu’il reposait sur un dispositif simplifié à l’extrême, une alchimie remarquable entre une voix et un piano, avec seulement un featuring, Isha, qui se fondait par ailleurs parfaitement dans l’ensemble.

Copyright : Samito

Pleine Lune 2 marque une ouverture avec de nouveaux points de vue qui viennent s’ajouter à celui de Scylla et Sofiane Pamart. Rive, Lonepsi, L’Or du Commun et Lord Esperanza amènent une pluralité de regard qui convergent finalement sur un univers musical particulièrement cohérent. Toujours aussi mélancolique, mais plus riche encore dans la manière de véhiculer ces sensations, ce nouvel album joue sur la personnalité des différents featurings pour se renouveler, surprendre, sans quitter une ligne directrice rigoureuse. IRobot est le plus bel exemple de cette notion de solitude partagée, en consolidant déjà la relation avec Pleine Lune premier du nom (et le morceau Blade Runner) mais surtout en regroupant quatre chanteurs à l’identité bien définie (Scylla + L’Or du Commun), sans que le titre pâtisse d’un trop plein sur une durée finalement assez courte. Moins épuré, l’album se détache de la simplicité du duo originellement proposé, y compris musicalement, avec des morceaux habillés de légères couches d’instruments additionnelles au piano. De manière générale, les compositions de Sofiane Pamart occupent moins l’espace de ce deuxième album collaboratif, sans pour autant amoindrir la beauté de mélodies toujours aussi enivrantes : en témoigne Aigle Royal, l’unique solo de piano de l’album, d’une délicatesse absolument saisissante. Si le renouvellement du style établi par Scylla et Sofiane Pamart permet à cette nouvelle Pleine Lune de ne pas se reposer sur ses acquis, on regrette que cette évolution soit passée par une distanciation avec le minimalisme puissant, qui rendait le premier album si poignant.

Copyright : Scylla & Sofiane Pamart

Même si on devine Scylla désintéressé par cet aspect-là, Pleine Lune 2 apparaît comme un opus plus ouvert au public, moins exigeant à aborder comparativement au premier. L’album, en plus de proposer des variations plus évidentes grâce aux featurings et aux instruments supplémentaires, s’étale sur une durée plutôt condensée de 37 minutes. Les morceaux sont construits de manière plus classique, avec une alternance de couplets / refrains, là où on trouvait sur Pleine Lune des sons plus imprévisibles dans la structure (Solitude en tête), de durées comprises entre 2 minutes 30 et 7 minutes. Ici, l’ensemble paraît plus cadré, tourné vers une plus grande efficacité, ce qu’il ne faut pas considérer comme un gros mot ou comme un antonyme à la musique déployée par Scylla et Sofiane Pamart. L’accessibilité de l’album n’est jamais vraiment une tare vis-à-vis de ceux qui avaient été charmés par l’opus précédent des deux artistes et il ne l’est pas non plus pour ceux qui découvrent leur univers avec ce nouveau projet. Il s’agit d’une manière différente de travailler autour de la mélancolie, peut-être plus calculée, d’apparence moins instinctive, mais non moins empreinte d’une profonde sincérité. Pleine Lune 2 est une nouvelle invitation à rêver ; une invitation à voir le monde différemment, à se détacher d’une société déshumanisée qui va trop vite, sans pour autant se désolidariser totalement d’elle, en cherchant un ailleurs plus tranquille.