Littérature
Le 31 décembre 2001
Le provocateur a du style...
- Auteur : Michel Houellebecq
- Editeur : Editions J’ai Lu
- Genre : Roman & fiction
Michel, Français moyen, sombre employé du ministère de la Culture, trouve sa vie inutile, qui s’organise entre boulot, peep-show et purée mousseline. A la mort de son père, "un vieux con", il décide de partir, avec son héritage, en Thaïlande. Sur place, il se retrouve au milieu de personnages plus "beauf" les uns que les autres. Entre tourisme sexuel, masturbation solitaire, lecture du Guide du Routard qu’il finit par jeter contre un mur, Michel rencontre Valérie et l’amour...
Provocateur gratuitement, on ne peut le nier, ce bouquin est actuellement au top de toutes les ventes françaises. C’est cynique, c’est révoltant (quand Michel, Valérie et Jean-Yves, l’associé de Valérie, organisent un centre de vacances sexuelles, on ne peut s’empêcher d’être outré, voir dégoûté), c’est violent, c’est subversif. C’est tendance aussi pourrait-on dire, avec un certain humour noir. En effet, les terroristes islamistes qui viennent mitrailler tout ce petit monde vers la fin du livre tombent à pic dans un climat terriblement tendu depuis les événements qui se sont déroulés aux Etats-Unis. Quoi qu’il en soit, il est évidemment très difficile de cautionner les propos de Michel Houellebecq dans ce roman, si on s’en tient à une lecture au premier degré.
Si on lit entre les ligne, on devine que Houellebecq ne pense pas forcément ce qu’il raconte. Il s’agirait plutôt d’un froid et glaçant constat de l’évolution des mœurs actuelles. Ce tourisme sexuel dont on nous parle au journal de 20 heures avec horreur est décrit ici avec un recul qui dérange mais qui a le mérite de faire réfléchir. En revanche, ce à quoi on ne s’attendait pas de la part de Houellebecq, c’est qu’il introduise une histoire d’amour dans son récit. Dans Les particules élémentaires, il nous avait prouvé qu’aimer conduit à bien des compromis. Ici, il parle d’amour, de sentiments, de désir. C’est inhabituel et on le soupçonnerait presque de s’être forcé. Ce qui reste quand on termine ce roman, c’est l’impressionnante certitude que Houellebecq a tout calculé. Porté qu’il était sur la vague de succès de Extension du domaine de la lutte et des Particules élémentaires, il a voulu faire encore plus fort. Pour être encore plus célèbre et encore plus médiatisé. C’est réussi, tous les ingrédients y sont : du sexe, de l’amour, de la violence et beaucoup de provocation. Tout cela emballé dans un style sobre et ironique, intelligent et volontairement excessif. Ne nous y trompons pas, Houellebecq a beaucoup de talent pour manipuler les lecteurs et les médias.
Alors bon ou mauvais livre ? Difficile à dire. Reconnaissons qu’il y a un style "houellebecquien" qui fait sourire et grincer des dents, et avoir un style, c’est déjà pas si mal. Reconnaissons aussi, qu’on se laisse prendre par l’intrigue et qu’on est touché, malgré les perversions de Michel, quand il perd la femme qu’il aime - besoin de faire "payer" son héros ? - et reconnaissons enfin, que Houllebecq a atteint son but...
Michel Houellebecq, Plateforme, Flammarion, 2001, 20 €
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lamericano 31 janvier 2006
Plateforme de Michel Houellebecq
Avant le ratage de « La possibilité d’une île », Michel Houellebecq avait montré son talent avec « Extension du domaine de la lutte », « Les particules élémentaires » et « Plateforme ».
Le problème avec Houellebecq, ce n’est pas tant le style, impeccable, que le propos, provocateur voire un peu plus.
Dans « Plateforme », on n’est pas loin de l’apologie du tourisme sexuel et de l’islamophobie. Je n’adhère pas du tout à ces thèses, mais comme l’a dit Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire ».
Le talent de Houellebecq est tel qu’il donne envie de se battre pour lui, malgré ses maladresses et, parfois, son verbiage positiviste : Il semble parfois que l’auteur pose la science comme omnipotente, devenant une croyance. Cette foi démesurée devient une religion, d’où peut-être la fascination de Houellebecq pour les sectes (cf. « La possibilité d’une île »).
Michel Houellebecq est un meilleur romancier que penseur.