Il était une fois deux jeunes demoiselles, l’une riche, l’autre pauvre, jolies comme des cœurs... Do et Mi, les appelait-on, comme pour une petite fugue en filles mineures. Il y eut un grand feu dans une belle maison varoise. Et puis... Il était deux fois une jeune demoiselle. Mains brûlées dépourvues d’empreintes digitales, visage reconstruit par la chirurgie esthétique, Belle au bois ressuscitée mais sans plus aucune mémoire. Est-elle riche, est-elle pauvre, est-elle Mi, est-elle Do, la ravissante amnésique qui fouille désespérément un passé incendié ?

Noir comme la suie, le conte de Japrisot, peuplé de personnages à double face - gentille marraine/fée Carabosse, prince charmant/odieux maître chanteur, gouvernante affectueuse/mante religieuse manipulatrice - pour un meurtre dont la rescapée est peut-être la victime, peut-être l’assassin ou... tous les les deux à la fois. Les indices, à force qu’ils s’accumulent, ne font qu’épaissir le mystère. Une chose appelle immédiatement son contraire, dans un mouvement de va-et-vient de part et d’autre d’un miroir sans tain. Tendresse et perversion se font écho. Incertitude, trouble et ambiguïté baignent ce polar extraordinairement construit, modèle du genre auquel se réfèrent avec admiration des auteurs actuels (Thierry Jonquet, par exemple, qui s’en est inspiré pour Mygale [1]). Le roman de Japrisot a presque quarante ans, il y fleure un doux parfum de sixties qui ne fait qu’ajouter à son charme vénéneux et cruel. Laissez-vous piéger, vous brûlerez d’envie d’en redemander ! [2]