Le 12 janvier 2016
Le Souffle du Vent dans les Pins se définit comme un conte initiatique Chinois. Un conte graphique aux accents fantastiques.
Résumé :
Yaya est un jeune homme qui prend la route pour... pour quelle raison ? Peu importe. L’hiver arrive et le voilà seul, face à l’inconnu et au danger. L’histoire de Yaya – ne pas confondre avec La balade de Yaya, les deux BD étant deux opus sans lien – est introduite par un paragraphe, qui la positionne effectivement comme un récit ancien parmi d’autres. La magie est là, reposant sur l’ambivalence de l’histoire : l’auteure raconte une vieille légende entendue dans son enfance ou un narrateur inconnu partage avec nous cette vieille histoire, une fiction totalement inventée ?
Notre avis :
Cette BD est tout simplement un fabuleux voyage, qu’elle soit tirée d’une légende ancienne ou qu’elle soit totalement inventée importe peu, le voyage reste le même. Le terme de conte est totalement approprié. Car nous sommes dans un univers mystérieux, celui de cette Chine ancienne où les démons marchent au côté des hommes, où des êtres étranges, mi-animales mi-créatures légendaires, entourent les humains. Au milieu de tout cela, nous suivons Yaya, mais avec un choix narratif très fort. En effet, le texte est lâché avec parcimonie. Quelques phrases surgissent par-ci par-là et nous resituent les dessins dans le contexte narratif.
Mais la force de ce récit, c’est qu’une partie de l’histoire est racontée par les images elle-même. Au début, vous aurez l’impression de parcourir une sorte d’Artbook, une compilation de dessins de Zao Dao. Et puis les phrases habilement disséminées par l’auteure vous feront réaliser tout d’un coup que non, tout se suit, même si le récit est lacunaire. Vous reviendrez alors en arrière et reprendrez votre lecture d’un autre œil, celui du lecteur qui tente de capter l’histoire qu’on lui raconte.
Zao Dao a réussi un beau conte au texte minimaliste, qui va vous demander l’effort de comprendre l’histoire à partir majoritairement du dessin. Mais là où elle réussit à aller encore plus loin, c’est qu’au fur et à mesure que le personnage trouve un équilibre, le texte s’harmonise avec l’image et renoue avec une narration plus classique.
Yaya avance donc tant bien que mal sur son parcours, il croise des ennemis, et des amis. Ces relations se sentent plus à partir du dessin que du texte. Les encadrés ne vous disent pas comment se noue l’amitié, parfois même comment se passe la rencontre. De l’illustration – et le terme est mal choisi, car le dessin ici n’illustre pas le texte, mais il porte en lui la narration -, ce sera à vous de déduire des éléments de l’histoire.
A côté de ce tour de force narratif, l’univers que parcourt Yaya est magique. On ne sait pas forcément quelles sont ces créatures qu’on voit fugacement le temps d’un dessin autour des personnages, et cela n’a pas d’importance. Elles posent le contexte, celui d’un univers où la légende devient la réalité. Tout comme c’est le cas de notre perception du récit, présentée comme une légende d’enfance, mais pouvant être aussi ressentie comme une fiction complète.
Ce conte est composé de cinq chapitres, correspondant aux cinq éléments Chinois, et portant les titres correspondants. A vous de percer le rapport entre la symbolique de l’élément et la partie du conte que Zao Dao vous raconte.
Zao Dao nous propose une expérience différente, une expérience qui tient donc autant aux choix narratifs qu’à la magnificence de ses dessins.
Peut-on parler d’un dessin réaliste pour un univers fantastique, irréel, à la lisière des vieilles légendes ? Si oui, voilà comment décrire simplement la force visuelle de cette BD. Personnage aux visages jeunes, à la peau lisse, aux regards expressifs. Animaux fantastiques ne ressemblant à rien du bestiaire traditionnel. Mais tout ce monde a l’air bien vivant, sautant, courant, bondissant, volant, à l’image de la couverture, où Yaya, chevauchant un chien aux pied en forme de sabot, tente de nourrir un oiseau. Toute l’énergie du mouvement est là dans une pose pourtant impossible à tenir en réalité. Mais ça fonctionne. Voilà l’équilibre du dessin de Zao Dao : tout à coup, l’impossible devient crédible. Il n’y a qu’à regarder ces petites créatures entre insectes et oiseaux, dessinées comme Hokusai dessinerait des insectes dans un de ses célèbres cahiers de dessins – premier Manga de l’histoire - .
On est quelque part, dans les compositions des images, entre la peinture, l’estampe et la BD.
Les pages sont majoritairement composés d’un dessin pleine page – ou pleine double-page – et parfois, rarement, découpées en quelques cases.
Ces dessins pleine page peuvent prendre toute la page, sans laisser d’espace blanc autour, ou bien comporter des traces de cadres, ou bien encore être dénué de cadres. Les techniques se mélangent, tout comme les couleurs. Des dessins bariolés, vifs, vivants, d’autres sombres, rougeoyants, et d’autres encore ressemblant à des esquisses rapidement tracées débordantes de vie. Ce mélange donne l’impression, au départ, que vous parcourez un artbook. Mais ce choix graphique correspond complètement à l’idée d’un conte que l’on vous raconte, et sur lequel vous créez des images dans votre tête. Et ces images mentales peuvent mélanger différents styles. Là encore, le dessin et les choix graphiques permettent de coller au thème de l’hésitation entre le réel et la fiction. Dans le cadre de la BD Chinoise, Zao Dao est à la rencontre du Manhua et du Lianhuanhua. (Vous vous interrogez sur le sens de tout ça ? Consultez donc notre article sur la BD Chinoise écrit lors du festival Quai des bulles ici). Pour faire très simple, le Lianhuanhua se caractérise par un dessin par page, tandis que le Manhua propose plusieurs dessins par page.
Zao Dao est autant douée pour les personnages et surtout les créatures, que pour les décors – tout aussi renversants -. Là encore, on se sent proche de la peinture traditionnelle chinoise de paysages, voire même des estampes japonaises.
Le cadrage alterne simplement entre gros plans et plans larges.
Et, cerise sur le gâteau, la page de garde. Au départ, vous l’ouvrez et vous découvrez une galerie de portraits aux légendes écrites en Chinois – ce qui ne devrait pas aider la majorité d’entre nous à saisir leur sens -. Quand vous finissez votre lecture, vous retombez – en toute logique – sur cette page de garde. Mais maintenant, vous connaissez tous ces personnages. Car ils ne sont rien moins que tous les protagonistes ou antagonistes du conte. Là encore, à vous de retrouver qui est qui. Et vous voilà avec une raison supplémentaire de rouvrir le livre pour satisfaire votre curiosité.
Le Souffle du vent dans les pins, avec son titre poétique, vous propose un voyage inhabituel dans un univers fantastique – dans tous les sens du terme –, un voyage sur les traces d’un enfant qui va, sans s’en rendre compte, devenir un homme. Un voyage aux graphismes époustouflants, un voyage dont vous n’aurez pas toutes les clés et qui vous demandera un effort d’immersion pour en profiter pleinement. Mais après tout, c’est bien là la qualité majeure d’un conte, non ?
Zéda perdu dans le monde de Zao Dao !
120 pages - 20€
Galerie photos
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