Notre avis : Il n’est pas rare que des cinéastes adaptent à l’écran des romans à succès et il est courant que ces adaptations ne soient guère réussies. Il est plus rare, en revanche, qu’une de ces adaptations s’avère bien meilleure que son modèle romanesque - on pense par exemple, pour rester dans le genre horrifique, à Shining dont la relecture par Stanley Kubrick transcende le roman de gare de Stephen King. Or, force est de constater, à la lecture de Perfect Blue : Métamorphose d’une idole, que le film qui en est inspiré fait partie de cette dernière catégorie.
Ainsi, tandis que le long métrage de Satoshi Kon, source d’inspiration majeure du Black Swan de Darren Aronofsky, parvenait à s’élever au-dessus du genre de l’anime, à la dignité d’un véritable film de cinéma, le roman de Yoshikazu Takeuchi sombre dès ses premières pages dans les travers de la production pour adultes de l’archipel nippon. L’éditeur nous prévient, d’ailleurs, dans son avertissement liminaire : il a choisi de traduire la version non censurée du roman, interdite aux moins de 18 ans. Malheureusement pour nous, cette dernière, au lieu de nous permettre d’accéder à une dimension cachée de l’intrigue, ne nous épargne aucune outrance : viols et meurtres d’une petite fille, ainsi que d’une jeune idole, promotions canapés d’adolescentes à peine pubères, description par le détail d’écorchements vifs, des choix qui apparaissent encore plus contestables à notre époque où l’espace public est saturé d’images obscènes et où la violence et le sexe les plus extrêmes sont accessibles, sur internet, en quelques clics.
Le film d’animation nous imposait certes, lui aussi, quelques scènes relativement crues, mais son scénariste, Sadayuki Murai, avait eu l’élégance d’étoffer l’intrigue du roman d’une complexité psychologique et de rebondissements qui en font, encore aujourd’hui, sinon un chef-d’œuvre, du moins un long métrage très réussi. Faisant de la figure de Mimaniac, avatar fictionnel du "meurtrier otaku" Tsutomu Miyazaki, un personnage secondaire, Satoshi Kon préférait explorer, comme par ailleurs dans Paprika, la psyché torturée de ses protagonistes et la confusion qu’entretient sciemment l’industrie du spectacle, entre la fiction et la réalité.
A contrario, en se contentant de donner au psychopathe qui poursuit l’héroïne des mobiles simplistes, pour ne pas dire rebattus, et en n’adoptant comme seule principe de composition que la surenchère gore, le thriller de Yoshikazu Takeuchi ne fait succéder que l’ennui à la nausée qui saisit le lecteur au premier chapitre. En vérité, même si le phénomène des idoles est, au Japon, plus que jamais d’actualité, vingt-cinq ans après sa première publication, Perfect Blue : Métamorphoses d’une idole est devenu un roman dont l’iconoclasme confine à l’anachronisme.