Le 22 mars 2019
"Comment filmer un paysage de dos - problème que pensent les peintres et très peu les critiques d’art." Jean-Luc Godard
Analyse Au commencement était l’ombre. L’imago princeps. Une jeune femme veut garder en mémoire son amant et dessine alors la silhouette de celui-ci grâce à son ombre. Acte d’amour sanglant et déchirant, cri palpable et silencieux devant la peur du manque. De ce subjectile marqué à la craie découlerait l’art de la représentation, la peinture, le cinéma. Les premiers généticiens, eux, voyaient la femme comme une toile sur laquelle le sperme masculin peignait les traits de l’enfant conçu. On retrouvera cette idée dans le parler populaire chilien où « faire la peinture de quelqu’un » exprime de manière argotique l’acte sexuel. Même sentiment chez Fernand Léger pour qui le cinéma est sexuel, avec ses belles filles et ses beaux garçons qui s’embrassent en gros plan grâce à des bouches d’un mètre cinquante. Peinture et cinéma sonnent comme un couple indissociable ou comme une mère et son enfant, diraient d’autres. Un duo inséparable mais dont les relations ont souvent été aussi tendres et harmonieuses que violentes et ombrageuses. Le sang est en tout cas au cœur bouillonnant de cette liaison. Et de sang, il en est d’ailleurs question dans un des meilleurs films sur l’idée de la peinture, Pierrot le Fou à propos duquel Aragon écrivait : "Tout le film n’est que cet immense sanglot, de ne pouvoir, de ne pas supporter de voir, et de répandre,le sang. Un sang garance, écarlate, vermillon, carmin."
S’il existe une connexion veineuse entre peinture et cinéma, gardons-nous cependant de croire aux correspondances trop faciles ou rhétoriques. Ainsi, comme le défend le défaitiste mais intéressant Jacques Aumont dans son livre L’oeil interminable : pas de traduction possible qui fasse équivaloir la caméra au pinceau, le film au tableau. Il n’y a d’équivalences éventuelles que dans la partie la plus implicite de l’art, que le rapport entre peinture et cinéma n’est pas la correspondance ni la filiation chères aux esthétiques classiques. Ce n’est pas tant que les principes de Swedenborg et plus tard des symbolistes semblent dépassés, mais il semblerait que plus de précisions et de subtilités soient désormais de mise dans les rapports complexes inter-artistiques. Aumont poursuit et conclut : certes, c’est bien comme art que le cinéma suscite la pensée de la peinture, mais comme art autonome, comme art du cinéma, même chromo ou pompier. Rien n’est plus inactuel que l’idée de septième art, si l’on entend par-là qu’il est la synthèse de tous les autres. Ce qu’enseigne la recherche de la peinture dans le cinéma, c’est justement, entre autres, que celui-ci ne contient pas celle-là, mais la scinde, l’éclate et la radicalise. Notre dessein ici est de tenter très brièvement de rassembler et de commenter les points de vue de personnalités sur quelques nœuds relationnels explosifs entre la peinture et le cinéma.
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