Le 30 septembre 2024
Sorti en 1973, Pat Garrett & Billy the Kid est un des chefs-d’œuvre de Sam Peckinpah qui a contribué à la redéfinition des canons du western. Il est aussi le reflet d’une époque violente où l’Amérique se remet en question.
- Réalisateur : Sam Peckinpah
- Acteurs : Kris Kristofferson , James Coburn, Richard Jaeckel, Katy Jurado, Bob Dylan, L.Q. Jones
- Genre : Drame, Action, Historique, Western
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h02mn
- Reprise: 23 septembre 2015
- Titre original : Pat Garrett & Billy the kid
- Date de sortie : 8 novembre 1973
L'a vu
Veut le voir
– Il existe plusieurs versions du film. La critique se base sur la version "director’s cut".
Résumé : En 1881, au Nouveau-Mexique, dans le repaire de Fort Sumner, Pat Garrett retrouve Billy, son ancien compagnon de route, et lui annonce qu’il est devenu shérif. Pat lui recommande alors de quitter les environs, sinon il sera dans l’obligation de l’éliminer. Billy ignore son conseil. Commence alors une poursuite impitoyable entre le policier et le jeune hors-la-loi.
Critique : Dans ses westerns, John Ford avait bâti le mythe de la conquête de l’Ouest et de la démocratie sans occulter les zones d’ombre de l’histoire américaine. Ces films reflètent l’état d’esprit résolument optimiste d’une époque. À la fin des années 60, le ciel s’assombrit. Les rêves hippies tournent au cauchemar avec les massacres perpétrés par la bande de Charles Manson. En 1969 à Altamont, le Woodstock personnel des Rolling Stones dégénère : les Hells Angels poignardent un spectateur ayant menacé la scène avec une arme à feu. Au début des années 70, un tueur fou (le Zodiac du film de Fincher) tire sur des cibles prises au hasard. Les drogues dures remplacent peu à peu le LSD ou l’herbe et provoquent des ravages dans les rangs de la contre-culture. La CIA favorise des coups d’État en Amérique du Sud et l’Amérique s’enlise au Vietnam. Nixon et ses sbires semblent écouter les citoyens (affaire du Watergate). L’ambiance est donc à la paranoïa et l’ordre établi est remis en question. Les films hollywoodiens de cette époque reflètent cette perte de repères. Dans la lignée de Easy rRder, de nouveaux cinéastes dévoilent la vision d’une Amérique violente et profondément corrompue. Le film Little Big Man (Arthur Penn) est peut-être celui qui illustre le mieux ce changement de paradigme. Mais à l’époque personne ne va aussi que Sam Peckinpah dans la représentation de la violence. Déjà en 1969, La horde sauvage lui avait valu bien des déboires avec la censure. Ses scènes de carnage ultra stylisées avait été jugées immorales alors qu’elles ont depuis largement fait école (c’est une influence évidente de Tarantino). On peut se demander pourquoi on s’interroge sans cesse sur la violence dans les films alors que personne n’oserait émettre l’idée de censurer Shakespeare qui a pourtant écrit des pièces ultra violentes. Vaste débat.
Pat Garrett est un des chefs-d’œuvre de Sam Peckinpah, au même titre que La horde sauvage, Apportez moi la tête d’Alfredo Garcia, Croix de fer ou Guet-apens. Ce western raconte l’histoire du lien paradoxal qui se noue entre Pat Garrett et son ancien complice Billy the Kid à partir du moment où le premier de bandit devient shérif. Il doit retrouver Billy pour le mettre sous les verrous. Au bout, c’est la corde qui attend le Kid. Ce mythe américain a connu plusieurs déclinaisons. Certaines font de Billy the Kid un bandit sans foi ni loi. D’autres en font une sorte de Robin des Bois. Peckinpah brouille les frontières. Ses personnages ne sont ni bons ni mauvais. Ils sont violents car c’est le monde dans lequel ils évoluent qui l’est. Ce sont les circonstances qui les mettent du bon ou du mauvais côté de la barrière. Et la loi n’est pas toujours au service du bien. La violence est le sujet principal des films de Peckinpah. La horde sauvage s’ouvrait sur des images d’enfants s’amusant à livrer un scorpion aux fourmis puis à le brûler. Pat Garrett commence par une scène où des types tirent sur des poulets enterrés jusqu’à la tête. Plus tard dans le film, on voit des enfants jouer avec la corde d’une potence dressée pour exécuter des condamnées à mort. Au second plan : le drapeau américain. L’image est d’autant plus saisissante qu’il existe encore aujourd’hui des États adeptes de la peine de mort. Le film véhicule l’idée d’une violence naturelle, irréductible. Il n’y a même pas de haine. Pat Garrett et Billy the kid s’estiment, s’admirent. Mais un des deux est en trop. On retrouve la stylisation de la violence déjà présente dans La horde sauvage, cette façon de filmer des corps tombant au ralenti tenant presque de la chorégraphie. Par ailleurs, avant Peckinpah ou Penn, on ne voyait jamais de sang dans les films hollywoodiens. Peckinpah plaçait des poches de liquide rouge sous les chemises des acteurs et les faisait éclater au moment opportun. Ce qui donne ces effets saisissants, on sent vraiment l’impact des balles et on s’éloigne de la vision romantique, héroïque de la mort. Pat Garrett est joué par le merveilleux James Coburn. Billy the Kid est interprété par Kris Kristofferson, une star de la country qui a aussi composé la chanson Me and Bobby Mac Gee immortalisée par Janis Joplin. En 1980, l’échec cuisant de La porte du paradis (Cimino) a mis fin au nouvel âge d’or hollywoodien et par la même occasion a fortement compromis la carrière de Kristofferson. Il faut aussi souligner le rôle important de Bob Dylan dans le film. D’abord il joue le rôle d’Alias, le complice mutique du Kid. Ensuite, il a composé la bande originale dont fait partie le classique intemporel Knocking on Heaven’s Door. La scène où l’on assiste à la mort d’un shérif au bord d’une rivière, sous les yeux de sa femme, avec cette musique en fond sonore, est particulièrement marquante. Elle est à l’image de la mélancolie qui travaille l’œuvre. Dans sa vision désespérée, Peckinpah nous touche, il nous émeut.
On ne peut vraiment pas réduire son œuvre à la violence et la provocation. Ses films sont profonds, ils nous prennent aux tripes. Et puis il y a toujours l’idée d’une rédemption possible, même si celle-ci ne peut se faire que dans la mort. On sait d’avance que Pat Garrett va abattre Billy, l’histoire est connue des amateurs d’histoires du Far West. Mais ici Garrett n’est pas un fourbe qui a retourné sa veste. En tuant le Kid, il lui offre peut-être cette rédemption. Le monde qu’ils avaient tous les deux connus n’existe plus. Les personnages n’ont plus leur place dans cette Amérique qui se développe très rapidement. Le progrès les avale. On peut voir de l’amour dans le geste de Garrett. Lui même acceptera de rendre compte de ses actes. Le film raconte la fin d’un monde. La critique a forgé une étiquette pour caractériser les nouveaux westerns de la fin des années 60 et des années 70 : western crépusculaire. Pat Garrett & Billy the Kid en est un parfait exemple. C’est un chef d’œuvre du genre et un chef d’œuvre tout court.
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.