Le 30 septembre 2024
Décevant au regard des grands films de Peckinpah, Le convoi parvient à intéresser par son regard désabusé.
- Réalisateur : Sam Peckinpah
- Acteurs : Kris Kristofferson , Ernest Borgnine, Burt Young, Ali MacGraw, Madge Sinclair
- Genre : Comédie, Drame, Aventures, Action
- Nationalité : Américain, Britannique
- Durée : 1h50mn
- Date télé : 30 mai 2024 21:00
- Chaîne : OCS Géants
- Titre original : Convoy
- Date de sortie : 16 août 1978
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Résumé : Rubber Duck est rejoint par ses anciens collègues camionneurs dans un mouvement contestataire contre le shérif Wallace qui agit comme un véritable tyran. Leur convoi parcourt les routes du Nouveau-Mexique jusqu’au moment où les forces de l’ordre les arrêtent en les empêchant de poursuivre. L’affaire commence alors à se médiatiser...
Critique : Le convoi, avant-dernier film de Peckinpah, est assez symbolique de sa triste fin de carrière. L’histoire, simplissime, (le scénario est écrit à partir d’une chanson !) tient de l’affrontement binaire, mais après tout nombre de grands films reposent sur une idée minimale. Sauf que de cette commande le cinéaste ne sait pas quoi faire. Sans doute eût-il fallu éviter l’humour bas de gamme, affiner les dialogues, retravailler le montage… On voit bien ce qui manque à ce Convoi, sans même le comparer aux chefs-d’œuvre du grand Sam.
Reste que tout n’est pas à jeter, fort heureusement. Dans quelques séquences, Peckinpah retrouve sa verve : il n’est que de citer la poursuite dans le sable, dans laquelle il utilise toutes les possibilités esthétiques de la poussière. De tels moments font passer les longueurs redoutables ou les absurdités scénaristiques.
Mais ce qui nous réjouit surtout, et sauve le film du naufrage, c’est ce qu’on pourrait appeler le jeu de massacre nostalgique. Jeu de massacre, en effet, et pas seulement parce qu’on y démolit allègrement meubles et véhicules ; plus profondément, ce sont les responsables de l’Amérique contemporaine que Peckinpah dézingue : la police corrompue, les politiciens opportunistes, les spécialistes de la technologie ridicules (que penserait-il aujourd’hui ?), tout ce qui représente l’autorité ou la modernité s’écroule sous les assauts de ce bulldozer qu’est Le convoi. À ces incapables s’oppose le « bon peuple », l’Amérique profonde, celle du bon sens, qui va soutenir Duck et sa folle course. Les routiers eux-mêmes sont des représentants des « vraies » valeurs, entre religion sauvage et altruisme. Évidemment, on ne cherchera pas ici de « politiquement correct », entre misogynie et goût de l’alcool. C’est un monde viril, voire machiste, fier de son torse comme de son camion, même si la caricature continuelle limite cette apologie.
Mais ce qui frappe surtout dans ce film « malade », c’est le regard désabusé que Peckinpah porte sur son pays et sur le cinéma. Il a beau multiplier les tics qui ont fait sa réputation, il ne les applique plus qu’en des circonstances médiocres, comme le ralenti pour une banale bagarre. Comme dans ses grands films, il s’attache à la mutation d’un monde, mais il n’y croit plus. À la lettre, ce monde est devenu insensé : Duck lui-même reconnaît l’absurdité du voyage qui n’est fait que pour « avancer ». Il n’y a rien au bout, il n’y a pas de grandeur ni de dessein. Les convoyeurs « avancent » parce qu’il n’y a rien d’autre à faire ; toutes les justifications sont évacuées, jusqu’à la manifestation contre les limitations de vitesse. S’il y a épopée, c’est celle, dérisoire, de quelques révoltés minables et sans ampleur. En ce sens, il n’est pas indifférent que Peckinpah applique ces effets de style à des situations dégradées, comme un adieu au cinéma qu’il a aimé et participé à construire. Jusqu’ici il regardait un monde fatigué ; à présent c’est son regard qui est fatigué, qui n’arrive plus à prendre au sérieux la violence et préfère traiter en ellipse le tabassage du Noir. La sécheresse et l’âpreté qui étaient sa marque de fabrique sont évacuées : elles ne conviennent plus à l’époque.
Le convoi est indiscutablement un Peckinpah mineur, presque une parodie de ses grandes œuvres. On est à vrai dire consterné par certaines séquences et constamment affligé par le scénario. Néanmoins, comme en un sens pour les derniers Hitchcock, le film reste passionnant en ce qu’il est un commentaire dégradé des films précédents. C’est évidemment décevant de la part d’un cinéaste majeur, mais suffisant pour regarder ce long-métrage avec intérêt et quelquefois plaisir, voire un plaisir coupable. D’autant que les seconds rôles, et en particulier, Ernest Borgnine, sont savoureux.
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