L’embuscade selon Peckinpah
Le 15 septembre 2015
Un classique des années 70, qui mythifie autant ses acteurs que ses auteurs... Sorti en 1972 juste avant son magnifique Pat Garrett & Billy the Kid, The Getaway poursuit la logique de Peckinpah de mettre littéralement en suspension l’Histoire des États-Unis.
- Réalisateur : Sam Peckinpah
- Acteurs : Steve McQueen, Ben Johnson, Ali MacGraw, Sally Struthers, Al Lettieri, Slim Pickens, Bill Hart
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Américain, Britannique
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h02mn
- Reprise: 16 septembre 2015
- Titre original : The Getaway
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 1er février 1973
- Plus d'informations : Histoire du polar au cinéma
- Festival : Festival d’Amiens
L'a vu
Veut le voir
Résumé : En échange de sa liberté, le détenu Carter McCoy doit à sa sortie de prison réaliser le hold-up d’une banque pour le compte de Jack Benyon. Après avoir abattu son complice Rudy Butler qui avait tenté de le tuer, il s’engage avec sa femme et l’argent volé dans un road trip à travers les États-Unis.
Critique : Dans son article dédié à Pat Garrett & Billy the Kid, Adrien Lozachmeur pointe bien les années 1970 comme une "époque" emplie de "perte de repères" dont le cinéma, éclairé, se fait forcément l’écho. Du cinéma violent en somme, envers lequel l’éternelle désapprobation bien-pensante se questionne : violence gratuite ou dénonciatrice ? Pour le Guet-Apens, au-delà des scènes de fusillades sur lesquelles on se focalise par un dispositif de captation en ralenti devenu la "marque de fabrique" Peckinpah, c’est la violence des propos qui choqua l’audience lors de la sortie en salles. Sexualité sous-jacente, violence conjugale, tromperie, sensualité et turpitude ornent l’œuvre du réalisateur alors même que Jim Thompson fut écarté du projet pour cause de "vision trop noire". Mais entre le grand romancier et le grand metteur en scène, il faut avouer qu’il y a une différence de taille : l’un est grand narrateur, l’autre est grand cinéaste.
Et c’est bien par la patte et les obsessions du maître que l’ensemble du laïus sera véhiculé. Car en dépit de quelques effets datés accusant un "coup de vieux", la mise en image de The Getaway va influencer toute une génération de filmeurs pour les années qui suivront son exploitation. Il est certes possible de taxer les expérimentations musicales extra-diégétiques criardes de Quincy Jones de trop illustratives, de sourire devant quelques effets sanglants plus que surannés, mais globalement, le Guet-apens s’apparente à un épitase stylistique (pas forcément thématique dans le sens où la conclusion n’est pas aussi désenchantée qu’habituellement).
Ce qui est manifeste dans le film, c’est qu’il est monté comme une réalisation fracturée. Son style intrinsèque joue même de cette construction et participe semblablement à son thème : un couple en cavale qui fuit vers une frontière, lisière qui sera aussi physique qu’allégorique. Le moment où Walter Hill prend le relais de Jim Thompson à la narration est plus que palpable : il ouvre le champ à un final impétueux hallucinant, depuis devenu culte. C’est précisément ici que se joue cette passation susnommée de la frontière. Car le besoin de McQueen et MacGraw, couple à la ville comme à l’écran, de passer la lisière susnommée pour s’enfuir à tout jamais, est symbolisé par un montage étonnant. L’utilisation de judicieux et touchants flashforwards dans la première demi-heure ne fait que conduire l’ensemble vers une fusillade finale impondérable, qui symbolise réellement une nouvelle ère pour les États-Unis. Là où nombre de théoriciens voient dans les ralentis de John Woo une symbolique post-coïtale prégnante, on peut voir chez Peckinpah un véritable "arrêt sur image" des conséquences d’une mise à feu. Lors de l’acquisition du fusil à pompe par Doc McCoy, les dialogues font d’ailleurs un clin d’œil humoristique à cette problématique : "vous voulez abattre un mur avec ça ?" Mais lorsque le spectateur assiste, stupéfait, à cette déferlante de plombs, on comprend que cette fascination dans la captation de la violence dépasse le simple cadre de la complaisance : elle participe à la confluence d’un grand auteur sur le mythe américain relatif à l’armement. Vous avez dit film culte ?
– Revu dans le cadre du Festival d’Amiens
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.