Le 19 mars 2003

Deux sœurs que ne rassemble plus que le silence.
Deux sœurs que ne rassemble plus que le silence.
Dans son dernier roman, Pascale Roze met en scène l’absence et le manque tout entier réunis dans ce seul impératif, parle-moi. L’histoire est celle de deux soeurs que plus rien ne rassemble sinon le silence qui occupe l’espace de leur impossible dialogue. Entre les deux, les mots prononcés ressuscitent la violence des maux anciens. Au cours de cette nuit orageuse qui les voit réunies sous le toit d’une maison qui ne contient plus d’autre amour que celui de l’aînée, les mots parviendront à tisser un bref instant d’intimité qui sera défait aussitôt que le mot de trop sera prononcé. Leur communion ne peut être qu’à l’image de leur histoire, réprimée parce qu’étouffante.
A travers le phrasé musical de l’auteur, le silence se fait plus éloquent que la parole, les non-dits plus bruyants que les mots. L’écriture, légère et intime, épouse les mouvements du regard. La limite entre l’intériorité et l’extériorité, l’avoir et l’être, le passé et le présent s’estompe pour laisser place au travail de la mémoire qui se reconstruit par à-coups, au gré des associations et des impressions. Les souvenirs suivent la trajectoire aléatoire de la pensée, ses rétrospections et ses digressions.
Parle-moi, plus une prière qu’une exigence, une réflexion sur soi, le temps qui passe et la force des souvenirs refoulés qui tôt ou tard ressurgissent, violents et impérieux. A la rencontre succède la solitude, inchangée, pleine et silencieuse, à l’image des rosiers à peine flétris par l’orage et de la maison qui attend, patiente, des jours plus heureux.
Pascale Roze, Parle-moi, Albin Michel, 2003, 140 pages, 12 €