Pop/Rock
Le 30 octobre 2002
Triste à mourir, mais en toute beauté.
- Artiste : Gibbons, Beth
L'a écouté
Veut l'écouter
Loin, très loin des méandres sans âme du trip-hop actuel, la chanteuse de Portishead écrit un nouveau chapitre de la rencontre du jazz et de la pop. Triste à mourir, mais en toute beauté.
On pouvait attendre quelque chose de grand de la part de Beth Gibbons, mais peut-être pas un album aussi parfait que Out of Season. Dès le premier titre, Mysteries, sur des arpèges hésitants de guitare folk, on a l’impression de redécouvrir sa voix. Jamais Geoff Barrow, l’alchimiste en chef du son de Portishead, n’avait laissé autant de liberté à son chant, souvent piégé sous des couches d’effets et des rythmes hip-hop parfois prévisibles. Quand on écoute un morceau minimaliste de la veine de Spyder, on sort convaincu que Beth Gibbons n’a vraiment pas besoin de s’appuyer sur un fond sonore envahissant - BO de films noirs, grand orchestre symphonique - pour envoûter.
Des morceaux qu’elle avait co-écrit avec Portishead, il reste surtout la même atmosphère de spleen. Son associé dans cette aventure, Paul Webb (alias "Rustin Man"), ancien bassiste de Talk Talk, a composé un large éventail d’ambiances acoustiques, au nuancier plus ouvert que les sons auxquels nous avait habitués Geoff Barrow. Ce qui nous évite de sombrer dans la monotonie, les sujets chantés par Beth Gibbons ayant peu changé : de la mélancolie saisonnière aux espoirs définitivement trompés, l’horizon est toujours obscur. Y compris sur Tom the Model, une évocation soul à la Dusty Springfield, qui donne une illusion de réconfort grâce à des cuivres chaleureux. Mais même sur les titres plus austères, la fêlure de la voix de Beth Gibbons, rappelant Billie Holiday ou Nina Simone, finit invariablement par vaincre toute résistance.
Dans un monde parfait, Out of Season mettrait en retraite anticipée les exploiteurs du filon downtempo du genre de Morcheeba. Loin de se contenter de glisser sa voix sur des chansonnettes folk inoffensives, Beth Gibbons prend encore des risques en traquant la note bleue dans le folk ou la pop. Ça évoquera inévitablement le climat aérien d’autres Anglais qui ont exploré ces confins, comme Nick Drake (sur Drake, justement) ou Robert Wyatt (sur Show), mais les climats de tension retenue et les crescendos menaçants n’appartiennent vraiment qu’à elle. Décidément, le titre de Out of Season semble mal choisi. Difficile de trouver un meilleur disque de chevet pour cet automne. Un nouvel album de Portishead, toujours avec Gibbons, viendra même enfoncer le clou cet hiver. Mais Geoff Barrow a intérêt à se surpasser, sous peine de retourner dans les limbes dans lesquelles on croyait le groupe disparu ces dernières années.
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.