Metallica - Metallica

La rencontre entre Bob Rock et Metallica (en 1990) fut décisive pour la carrière du groupe. En même temps qu’un savoir-faire technique à toute épreuve, le producteur possède l’art de gérer les dissensions entre musiciens. En rendant sa juste place à Jason Newsteed, le successeur (à la basse) du très regretté Cliff Burton, il a réussi à rééquilibrer l’harmonie individuelle et musicale de Metallica. Le résultat de ces douze longs et laborieux mois de débats et de travail en studio en valait largement la peine.

Les sonorités sont travaillées à l’extrême, voire même à l’absurde : certaines pistes ténues ne s’entendent que dans un casque audio. Par exemple, l’adroit dosage des reverbs (échos) sur les guitares procure lors de l’écoute un indicible et inégalé sentiment de puissance. Mais la plus grosse partie du son reste tout de même l’œuvre des musiciens eux-mêmes : il y a d’abord James Hetfield, l’âme du groupe, qui assure les rythmiques et qui, s’il n’est pas un chanteur exceptionnel, n’a pas son pareil pour mettre le feu aux foules ; Lars Ulrich, le batteur, co-fondateur de Metallica avec Hetfield, dont le jeu simple et martial semble tout droit sorti des forges de Vulcain ; Kirk Hamett, guitariste virtuose qui assure la plus grande partie des solos, dont on peut regretter parfois le jeu trop technique et pas assez émotionnel ; Jason Newsteed, qui malgré les efforts de Bob Rock ne fera jamais que suivre la guitare d’Hetfield, une octave en-dessous (mis à part dans My friend of misery).

On ne présente plus le riff fracassant de Enter sandman ou la douce ballade qu’est Nothing else matters. Il reste Sad but true, chanson heavy entre toutes dont la mélodie fait toujours headbanguer irrésistiblement ; The unforgiven, écrite en hommage à Ennio Morricone, dont le sublime solo s’apparente curieusement à la musique classique ; Wherever I may roam oscille entre des accents asiatiques et la puissance dévastatrice des accords de cinquième, pour se terminer dans un ouragan effréné de solos de Hamett et de breaks d’Ulrich ; My friend of misery est une des plus belles compositions de Metallica, centrée sur une mélodie de Newsteed, qui développe un long solo aux amples variations mélodiques.

Quand on réécoute cet album, on ne peut que regretter le virage récent de Metallica vers une musique tout de même plus facile et visant le plus grand nombre. Même s’ils n’ont jamais été des musiciens hors-pair, ils avaient à cette époque des émotions riches et puissantes à communiquer qui rendaient leur musique incomparable.