Futur film culte
Le 29 septembre 2004
Radiographie d’une œuvre éléphantesque, audacieuse, remarquable.
- Réalisateur : Park Chan-wook
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Dans Old boy, beaucoup de choses surprennent. Ainsi, cette scène de coup de foudre au sens le plus littéral où le héros mastique sans broncher un poulpe cru. Ainsi, cette séquence d’ores et déjà culte du marteau dans laquelle le protagoniste fracasse une dizaine d’hommes avec un poignard dans le dos. Ainsi, Chan-wook Park qui reçoit un Grand Prix du Jury au festival de Cannes. Ainsi, Old boy, une œuvre éléphantesque, audacieuse, remarquable.
Quelle ne fut pas notre surprise lorsque, en avril dernier, nous avons appris que Old boy le nouveau film de Park Chan-wook, présenté comme une adaptation gorissime d’un manga japonais de T. Garon et M. Nobuaki, concourait pour la récompense suprême au festival de Cannes. Agitation de la rédaction, légitime puisque ceux qui connaissent le travail de ce virtuose savent de quels miracles il est capable. Dans l’Hexagone, on a déjà pu découvrir deux de ses films. Tout d’abord, Joint security area, une œuvre forte, implacable et très maîtrisée qui, pendant une longue demi-heure, simule le thriller militaire tortueux pour progressivement dessiner un formidable pamphlet anti-militariste et une histoire d’amitié intense. Pour d’obscures raisons, le film sortira directement en DVD.
Les cinéphiles avides de curiosités exotiques apprendront alors à prononcer correctement le nom de Park Chan-wook plus tard. Lorsque sortira Sympathy for Mister Vengeance, premier opus d’un cycle sur la vengeance, dans lequel un père de famille s’enferme, suite au rapt puis à la mort de sa fille, dans le cercle vicieux et délétère de la loi du talion. Mélodrame politique, grotesque et sublime, où là aussi le temps détruit tout... Puis surgit Old boy, le second volet de cette trilogie, qui s’impose comme la meilleure fiction du cinéaste sud-coréen. A condition de ne pas trop en savoir, c’est un film magique, viscéral, stupéfiant, brutal et pourtant si fragile, si beau. Un écheveau d’histoires d’amour manquées, folles ou amorales, faites de sacrifice, de haine et d’interdits. Quelque chose comme le digne successeur d’Orange mécanique et de Fight club. Un film qui sent bon le parfum si sulfureux de nos plus grands scandales, la cendre et le souffre.
On aurait pu taxer ce film de méchamment provocateur si la violence du propos et des images était gratuite. Or, il n’en est rien. Park Chan-wook ne choque pas pour choquer mais pour retranscrire la fièvre, la haine, le bouillonnement interne de personnages extrêmes confrontés à des situations extrêmes. Sous la forme agressive, perce le romantisme le plus sourd. Sous le damier sanglant, un regard follement empathique. Preuve de sa robustesse et de sa qualité : Old boy gagne à être vu à répétition, surtout quand on connaît les nombreux rebondissements qui parsèment l’intrigue. Park Chan-wook confirme : "Depuis l’avènement des DVD et des nombreux supports digitaux, les gens peuvent voir un film à de nombreuses reprises dans de bonnes conditions. J’ai fait ce film, en gardant à l’esprit que les spectateurs pourront regarder Old boy plusieurs fois et découvrir de nouveaux éléments à chaque vision." La puissance visuelle (dont la plus belle idée reste ce split-screen qui retrace quinze ans de séquestration) alliée à la force d’un récit subjectif sont les deux composantes d’un impitoyable moment de cinéma, marqué par le pessimisme et la perte de l’humanité au profit de la bestialité.
A l’instar de tous les films ultra-violents qui n’ont pas de morale, Old boy divise furieusement. Faut-il rappeler que les œuvres majeures sont souvent celles qui ne font pas l’unanimité ? En cela, oui, confirmons-le : Old boy est un film monstrueux. Dans tous les sens du mot.
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