Le 23 mars 2021
- Réalisateur : Yoichiro Okutani
- Distributeur : Cineric Creative, Documentary Dream Center
- Nationalité : Américain, Français, Japonais
- Durée : 114 min
- Festival : Cinéma du réel, Festival international du film documentaire Cinéma du réel, 43e Cinéma du réel
Un art populaire en voie de disparition s’ouvre à nous : le théâtre de strip-tease japonais. Ce documentaire nous fait rentrer dans les coulisses et nous partage le monde intime des danseuses, les « odoriko ». Des miroirs démultipliés et des lumières diffuses nous invitent à nous immerger dans un monde de rêve, transiter dans cette vie nomade, et observer, avant qu’il ne disparaisse, un univers d’autrefois, mélancolique et sensuel.
Résumé : Il ne reste plus aujourd’hui qu’une vingtaine de théâtres de strip-tease « odoriko », qui étaient auparavant un divertissement faisant partie de la culture populaire japonaise. Pendant quatre ans, le réalisateur suit les troupes de ces danseuses alors qu’elles s’entraînent, mangent, cuisinent, se maquillent, discutent… On assiste autant à un récit d’artistes nomades qu’à une histoire des femmes libres ou encore, plus simplement, celle de femmes qui partagent leur quotidien. C’est une histoire de changements générationnels, de l’ancien au nouveau, où le réel se voit échangé pour un plus grand marché de consommation digitale. Dans ce passage beaucoup de choses se perdent, et le réalisateur a voulu porter témoignage de ce monde sortie des rêves avant qu’il ne disparaisse.
Critique : Odoriko est sans doute le type de documentaire qui cherche à effacer la présence de l’œil qui observe. Nous assistons à la vie des odoriko, alors que l’on reste cachés derrière les costumes, silencieux.
Un monde magique d’autrefois : un monde féminin
Emmêlés aux espaces encombrés, nous avons l’impression d’avoir le privilège d’assister à cette intimité. Par le biais des lumières colorées et floues, nous entrons discrètement dans cet univers hypnotisant à mi-chemin entre rêve, théâtre et cirque, pour découvrir qu’il est aussi magique qu’imprégné du « quotidien ». En parallèle, des tâches de tous les jours telles que manger, faire sa toilette, discuter des banalités, se déploient également le caractère unique de l’existence de ces femmes qui ont choisi de tout laisser derrière elles pour être à la merci du chemin nomade.
- ©Yoichiro Okutani/Akane Makise/Cineric Creative/Documentary Dream Center 2020
À chaque interaction entre les odoriko, nous sentons avant tout la sororité : du respect, un esprit d’empathie, d’aide, de jeu enfantin. Elles partagent une ouverture d’esprit : elles réfléchissent à leurs corps, leur sexualité, le regard qu’elles portent sur leur propre corps et le regard des hommes. Elles sont aussi conscientes du vieillissement, du cycle de la vie auquel nous sommes tous sujets. Elles voient dans leur choix d’être odorikos une forme de libération en accord avec leur façon d’être. Ainsi, il y a une odoriko qui confesse « Je suis jalouse de ceux qui ont des weekends, mais encore, si j’en avais, je ne sais pas ce que j’en ferais, je m’ennuierais probablement, je suis mieux ici finalement ».
- ©Yoichiro Okutani/Akane Makise/Cineric Creative/Documentary Dream Center 2020
La mise en scène : l’intimité et les miroirs
Le réalisateur, Yoichiro Okutani, réussit cette intimité en se plaçant au même niveau de hauteur que ses sujets : assis par terre lorsqu’elles le sont, au niveau de la scène lorsqu’elles dansent. Il devient ainsi, avec le spectateur, une autre odoriko. Aussi, la caméra joue avec les miroirs : derrière les coulisses, ce sont des instruments de préparation mais aussi une forme de connexion entre les danseuses lorsqu’elles discutent. Les miroirs sont également un juge impitoyable qui leur retourne l’image de ce qu’elles font voir aux spectateurs. Or, paradoxalement, les miroirs sont aussi une manière de faire la paix avec soi-même, de se regarder en dehors du regard des autres.
- ©Yoichiro Okutani/Akane Makise/Cineric Creative/Documentary Dream Center 2020
Un renouvellement générationnel : le présent devient passé
Les numéros joués sur scène par les odoriko reflètent une culture en évolution, qui change avec le rythme du temps : on voit ainsi des numéros de geishas, des numéros pop, folkloriques et contemporains. Il faut y observer la fierté d’exercer leur profession, l’effort et le dur entraînement avec lequel elles préparent leurs numéros : elles sont présentées avant leurs actes par la voix du haut-parleur comme des « artisanes ». Nous nous apercevons qu’il y a des danseuses plus expérimentées, que les autres admirent et dont la danse est, plus qu’un numéro de strip-tease, une expression artistique.
À l’instar des plus âgées qui vieillissent et doivent penser à leur retraite, nous assistons à la fin de ce monde mythique des odoriko. « De nos jours le monde ressemble à un fast-food géant » s’exprime une des odoriko plus expérimentées et en « fin de carrière ». La mélancolie de voir périr ce que l’on considérait comme plus beau et mieux, voir les générations changer, mais aussi laisser place à ce renouvellement, s’impose à nous lorsque l’on vieillit. Tourné en mini-DV dans un format d’image ancien, nous avons la chance, grâce à Odoriko de voyager dans un présent qui devient passé, dans un univers où, pour reprendre les mots du présentateur d’un des numéros « on voit des rêves naître, des émotions jaillir ».
- ©Yoichiro Okutani/Akane Makise/Cineric Creative/Documentary Dream Center 2020
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