Le 30 décembre 2016
Tout à la fois biopic irrévérencieux et thriller métaphorique, Pablo Larrain nous propose sa vision romanesque et déroutante de l’un des plus grands poètes chiliens du XXème siècle.
- Réalisateur : Pablo Larraín
- Acteurs : Gael García Bernal, Mercedes Moran, Luis Gnecco
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Biopic
- Nationalité : Espagnol, Français, Argentin, Chilien
- Durée : 1h48m
- Date de sortie : 4 janvier 2017
- Festival : Festival de Cannes 2016
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Résumé : 1948, la Guerre Froide s’est propagée jusqu’au Chili. Au Congrès, le sénateur Pablo Neruda critique ouvertement le gouvernement. Le président Videla demande alors sa destitution et confie au redoutable inspecteur Óscar Peluchonneau le soin de procéder à l’arrestation du poète. Neruda et son épouse, la peintre Delia del Carril, échouent à quitter le pays et sont alors dans l’obligation de se cacher. Il joue avec l’inspecteur, laisse volontairement des indices pour rendre cette traque encore plus dangereuse et plus intime. Dans ce jeu du chat et de la souris, Neruda voit l’occasion de se réinventer et de devenir à la fois un symbole pour la liberté et une légende littéraire.
Notre avis : Pablo Neruda, de son vrai nom Ricardo Eliecer Neftali Reyes Basoalto est connu, de par le monde, grâce à ses poèmes. Personnage à multiples facettes (poète, écrivain, diplomate, homme politique et penseur), il est élu, en 1945, sénateur et devient membre du parti communiste. Il est l’un des plus ardents défenseurs des droits des travailleurs. Il se heurte au gouvernement en place et doit fuir à l’étranger. C’est cet épisode précis de la vie d’un homme brillant et capricieux, égoïste et jouisseur que Pablo Lorrain, réalisateur de No et el Club nous décrit de manière métaphorique. Pari ambitieux et réussi à la narration singulière mais déroutante, au moins le temps de pénétrer dans le cœur diabolique du récit.
C’est sur fond de folie que le réalisateur nous emmène avec lui dans la fuite de Neruda à travers des paysages à la lumière sublime qui nous mèneront de la Cordillère des Andes à l’Europe. On reste admiratifs devant l’aisance de cet homme au visage jovial et au regard malin (l’excellentissime Luis Gnecco) à s’adapter à toutes les situations. Sa vivacité d’esprit nous régale de ses répliques piquantes. Pourtant, le cinéaste ne l’épargne guère en en faisant un sybarite avide de femmes et de bonne chair, à l’égocentrisme exacerbé.
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Dans sa traque, il est poursuivi par le policier Peluchonneau (le sinistrement drôle Gael Garcia Bernal) qui, par un habile prétexte sert aussi de voix off aux actions et aux réflexions de Neruda. Cette trouvaille narrative apporte son lot d’humour, d’autant que le policier est présenté comme un incapable que Neruda parvient toujours à semer, affublé du titre de « mi-abruti, mi-con ». Dans sa course-poursuite à travers le monde, Neruda écrit l’essentiel de ses poèmes, des textes débordant de frénésie et de rêves qui nourrissent abondamment l’oeuvre de Larrain. A mi-chemin entre l’art et la politique, ce film aux allures d’épopée, servi par une réalisation dynamique restitue avec précision les délires du poète.
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Mais finalement, ce qui intéresse le réalisateur, c’est moins de s’arrêter sur la réalité des faits que de nous proposer son point de vue fantasmé sur la personnalité de Neruda. Au fil du récit, le chasseur se confond avec sa proie. Peluchonneau, le bâtard, présenté comme le fils d’une prostituée n’est que le reflet de la part sombre de Neruda tandis que la prétendue luxure dans laquelle se vautre Neruda, née de l’imaginaire de Peluchonneau ne représente que la divagation malsaine d’un personnage conservateur, rêvant de son heure de gloire. Voilà bien l’affirmation que dans ce jeu du chat et de la souris, le réalisateur ne manifeste nulle volonté de dépeindre un héros. Il n’est animé que de l’envie de nous promener dans une ambivalence onirique, entre poésie et dialogues vifs, porteurs d’idées. Pablo Larrain l’affirme : « on a plutôt fait un film « nérudien » qu’un film sur Neruda. » Ce procédé d’effet de miroir, à la fois fascinant et troublant, s’il apporte une originalité certaine à l’oeuvre, égarera ceux qui attendaient un portrait classique de Pablo Neruda.
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Si l’interprétation doit beaucoup au tandem Gnecco/ Gael Garcia Bernal, il convient de souligner la présence essentielle de Mercedes Moran dans le rôle de la femme de Neruda. Elle enrichit ce trio de grâce et d’aristocratie et évite aux personnages principaux frôlant souvent l’excès de tomber dans le ridicule.
Neruda n’en reste pas moins un film brillant mêlant subtilement road movie, biographie et thriller politique, à ne conseiller toutefois qu’à ceux qui sont prêts à faire abstraction d’un univers rationnel.
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