Le 2 septembre 2020
Un drame euphorisant et hypnotique, qui parle de l’art de danser comme une tentative de se réparer. Tout simplement beau et profond.
- Réalisateur : Pablo Larraín
- Acteurs : Gael García Bernal, Santiago Cabrera, Mariana Di Girólamo, Paola Giannini
- Genre : Drame
- Nationalité : Chilien
- Distributeur : Potemkine Distribution
- Durée : 1h42mn
- Date de sortie : 2 septembre 2020
- Festival : Festival de Venise 2019
Résumé : Ema, jeune danseuse mariée à un chorégraphe de renom, est hantée par les conséquences d’une adoption qui a mal tourné. Elle décide de transformer sa vie.
Critique : Le réalisateur de No ou Jackie et Neruda a déjà prouvé dans ses œuvres passées une grande capacité à filmer les tourments de l’âme. Cette fois, il s’engage dans le récit d’une jeune femme, Ema, qui a été contrainte d’abandonner son fils, Polo, qu’elle avait adopté avec son compagnon. Toute sa vie est construite sur la danse. Peut-être l’amour, la quête d’une maternité idéale. Mais la danse surtout. Elle interrompt chaque séquence, chaque dialogue, avec, en toile de fond, une musique presque continue, comme une mise en abyme de son propre destin, dans ce tapage de sons et de corps. Cette obsession de la danse la rend presque insouciante et irresponsable. Tout est prétexte à l’expression du corps : un port, un manège, un chantier, alors qu’elle tente de comprendre ce qui a poussé son fils à commettre de tels actes qui l’ont conduite à renoncer à l’adoption.
- Copyright 2020 Koch Films
Cette question de l’adoption est souvent abordée au cinéma. Sauf qu’ici elle est traitée à partir d’un échec. L’enfant est absent pendant tout le film. Et pourtant, il occupe chaque dialogue, chaque regard. Le spectateur assiste impuissant aux atrocités qu’il a commises et qui ont poussé les parents à le délaisser. Et il y a cette mère, aussi immature que profonde, qui tente de reconstituer ce ratage dans une scénographie imaginaire et poétique. Pablo Larraín met un soin particulier à filmer ses personnages, sans qu’on sache vraiment si le propos de la mise en scène cherche à restituer le réel de ces gens, ou, au contraire, fait glisser son récit vers le conte et le lyrisme. Parfois, on se perd dans ces décors, au milieu des personnages, mais l’égarement est similaire à celui des spectateurs d’un ballet, qui sont saisis par la beauté des danseurs, sans comprendre véritablement l’histoire.
- Copyright 2020 Koch Films
Ema est un condensé de sensualité, d’inconstance, de profondeur et de mélancolie. Le long métrage semble le pendant du Théorème de Pasolini, qui concentre un pouvoir magnétique et spirituel. La jeune femme a fait le choix tragique de se séparer d’un enfant violent qu’elle a cessé d’aimer. Elle recompose sa capacité d’amour dans la danse, avec ses collègues de la troupe, ses amants et amantes de passage. Le désir et la sensualité se muent en la possibilité d’une autre vie, d’un destin qui lui fait oublier l’abandon de son fils. Mais s’agit-il encore d’une chorégraphie ? On ne sait pas, sinon que Pablo Larraín brouille les cartes dans l’excès de lumière, l’hystérie des dialogues, et l’éructation des corps. Le cinéaste fait de son héroïne un symbole d’émancipation féminine, qui doit se libérer des carcans de la culpabilité et de la norme sociale.
- Copyright 2020 Koch Films
Ema est un film original, résolument moderne et inventif. Il parle autant d’une femme, Ema, que de tout un courant de musique et de danse, le reggaeton, qui se fait le chantre d’un rapport au monde, à la ville, et à la sexualité absolument fascinant.
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Thomas Bonicel 8 septembre 2020
Ema - Pablo Larrain - la critique
Tout à fait d’accord avec cette jolie critique ! J’ai trouvé la photo éblouissante (Sergio Armstrong). Je suis un peu déçu que le film reçoive des critiques pas au niveau qu’il mérite de la part du public : un film à montrer et à aller voir !