Lueurs dans la neige
Le 12 décembre 2014
Le premier film parlant de Hiroshi Shimizu est un poignant mélodrame en sourdine baignant dans une atmosphère de calfeutrement hivernal et de suspension temporelle.
- Réalisateur : Hiroshi Shimizu
- Acteurs : Den Obinata, Sachiko Murase, Yoshiko Okada, Shigeru Ogura, Ryuji Ishiyama, Kenji Ôyama
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h36mn
- Plus d'informations : http://www.cinetecadibologna.it/evp...
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– Sortie au Japon : 11 mai 1933
Le premier film parlant de Hiroshi Shimizu est un poignant mélodrame en sourdine baignant dans une atmosphère de calfeutrement hivernal et de suspension temporelle.
L’argument : Deux vagabonds se font engager comme mineurs et s’embarquent pour Hokkaido sur un bateau qui transporte aussi des femmes qui vont aller travailler là bas dans une auberge.
Notre avis : On n’en finit pas de découvrir l’œuvre de Hiroshi Shimizu, immense cinéaste de la génération de Ozu et Naruse qui était pratiquement inconnu en Occident il y a encore quelques années.
La projection à Bologne, en juin 2014 dans le cadre du festival Cinema Ritrovato, de cette Femme qui pleurait au printemps constituait un jalon supplémentaire dans la réévaluation de ce cinéaste de tout premier plan.
Il s’agit de son premier film parlant et une part non négligeable de son fort impact émotionnel est lié à l’exploration des possibilités du son, employé avec la plus grande économie. Il faut d’ailleurs signaler que ce passage au sonore ne fut, dans un premier temps, que provisoire et que Shimizu signera encore plusieurs chefs d’oeuvres muets par la suite, notamment les magnifiques Jeunes filles japonaises au port, sorti en juin 1933, Eclipse (1934) ou encore Héros de Tokyo (1935).
- NAKINURETA HARU NO ONNA YO - 泣き濡れた春の女よ - Hiroshi SHIMIZU 1933 Shochiku
- Den Obinata dans NAKINURETA HARU NO ONNA YO - 泣き濡れた春の女よ - Hiroshi SHIMIZU 1933 Shochiku
Cette économie sonore évoquée plus haut est faite de silences, de dialogues souvent chuchotés, de bruits étouffés par la distance (celui du bateau qui s’en va), d’airs de chansons fredonnés par les personnages mais n’accorde aucune place à une musique d’accompagnement qui surlignerait le drame et les affects dans un film comme délicieusement engourdi, baignant dans une atmosphère de calfeutrement hivernal et de suspension temporelle.
En effet, si on excepte les très belles séquences d’ouverture situées dans un port (le recrutement) puis sur un bateau en route vers le nord et largement ouvertes au vent froid du large, toute l’action se déroule dans une atmosphère de huit clos assez inhabituelle chez ce cinéaste qu’on associe plutôt au plein air et à l’été.
L’omniprésence de la neige qui fige les paysages prive même les séquences en extérieur se déroulant aux abords immédiats de l’auberge de la sensation de plein air qu’on pourrait attendre. D’ailleurs, elles sont souvent filmées en studio bien qu’une partie de l’équipe ait fait le déplacement à Hokkaido pour des plans d’ensemble.
- NAKINURETA HARU NO ONNA YO - 泣き濡れた春の女よ - Hiroshi SHIMIZU 1933 Shochiku
- NAKINURETA HARU NO ONNA YO - 泣き濡れた春の女よ - Hiroshi SHIMIZU 1933 Shochiku
Mais ce sont les intérieurs qui dominent, celui de la mine, caverne protectrice et dangereuse où l’ami du héros, resté seul, est pris au piège d’un éboulement qui causera sa mort, et surtout celui des quatre niveaux de cette auberge dans laquelle les mineurs au repos et les filles faciles passent l’essentiel de leur temps à observer sans rien dire les chassés croisés des protagonistes : la grande salle du bas dominée par un escalier omniprésent qui mène à l’étage ; le sous-sol (ou la remise) où le héros veille son ami mort, lui parle longuement, lui prend même la main ; les combles où il se cache ; les chambres du premier où vivent la jeune femme et sa petite soeur.
On ne peut qu’être frappé aussi par la place qu’occupent les fenêtres dans ce film à la fois nocturne et étrangement lumineux où toutes les scènes surgissent lentement du noir pour y retourner : celle, filmée de l’extérieur, par laquelle les filles et les clients de l’auberge observent, muets, la bagarre qui se déroule au dehors ; celles, vues de l’intérieur, qui permettent d’entrevoir les feux du bateau sur le départ.
NAKINURETA HARU NO ONNA YO - 泣き濡れた春の女よ - Hiroshi SHIMIZU 1933 Shochiku
- NAKINURETA HARU NO ONNA YO - 泣き濡れた春の女よ - Hiroshi SHIMIZU 1933 Shochiku
Ce temps suspendu, cet espace hors du monde, à la fois confiné et plein de recoins, cette étrange pénombre lumineuse, ces conversations dos à la caméra, cette petite fille à la poupée (cassée dans un mouvement d’humeur puis réparée) circulant entre les adultes, ces personnages aux regards intenses qui se livrent peu : tout cela participe de l’épiphanie d’un univers qui s’inscrit très fortement à l’écran et dans la mémoire du spectateur.
- NAKINURETA HARU NO ONNA YO - 泣き濡れた春の女よ - Hiroshi SHIMIZU 1933 Shochiku
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