Jeux d’extérieur
Le 6 juillet 2012
Filmant à la bonne distance, avec une gravité enjouée, les jeux sérieux des enfants et les intrigues mesquines des adultes au sein d’une nature omniprésente Hiroshi Shimizu fait sourdre l’émotion juste sans recourir à la dramatisation forcée.
- Réalisateur : Hiroshi Shimizu
- Acteurs : Takeshi Sakamoto, Shin’ichi Himori, Fumiko Okamura, Mitsuko Yoshikawa, Seiji Nishimura, Reikichi Kawamura, Masao Hayama, Jun Yokoyama, Kinuko Wakamizu, Tsuneo Osugi
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Japonais
- Durée : 2h25mn
- Titre original : 子供の四季 (kodomo no shiki) - 1: 春夏の巻 (haru natsu no maki) - 2: 秋冬の巻 (aki fuyu no maki)
- Plus d'informations : http://www.mcjp.fr/francais/cinema/...
- Festival : Les 15 ans de la MCJP
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– Sortie au Japon : 28 janvier et 02 février 1939
Filmant à la bonne distance, avec une gravité enjouée, les jeux sérieux des enfants et les intrigues mesquines des adultes au sein d’une nature omniprésente Hiroshi Shimizu fait sourdre l’émotion juste sans recourir à la dramatisation forcée.
L’argument :Les frères Zenta et Sanpei aiment bien le vieil Ono, du village voisin, qui leur fait faire des promenades sur son cheval. Ils l’ignorent, mais Ono est leur grand-père : depuis plus de dix ans, celui-ci a rompu tout lien avec sa fille, n’ayant pas approuvé son mariage. Un accident survenu à l’un des garçons va permettre leur réconciliation. Rôkai, l’associé d’Ono, menace alors la famille d’un procès : il pensait que son propre fils hériterait des biens du vieillard. Ce conflit va achever le père des enfants, déjà gravement affaibli par une longue maladie.
Deuxième partie : Tandis qu’Ono a recueilli chez lui sa fille avec ses deux enfants, la situation ne fait qu’empirer du côté de ses affaires : Rôkai cherche à dilapider la fortune d’Ono. Cela n’empêche pas Zenta et Sanpei de se comporter naturellement, en enfants qu’ils sont, loin de la vaine agitation des adultes et de leurs mesquineries.
Notre avis : Dans la vaste filmographie de Hiroshi Shimizu, les films consacrés à l’enfance occupent une place de choix et peu de cinéastes ont su au même degré que lui filmer à hauteur d’enfant sans tomber dans le piège de la mièvrerie.
Les quatre saisons des enfants se présente comme une suite à Kaze no naka no kodomo / Des enfants dans le vent, réalisé deux ans auparavant.
Les deux films sont adaptés de romans de Joji Tsubota et reprennent quasiment la même configuration de personnages joués en grande partie par les mêmes acteurs (Masao Hamaya en Sempei ; Reikichi Kawamura et Mitsuko Yoshikawa en parents ; Fumiko Okamura et Takeshi Sakamoto passant simplement du statut de tante et d’oncle à celui de grands parents).
Le monde des adultes et celui des enfants y sont présentés comme deux univers parallèles, régis chacun par des lois propres tous en étant soumis à des interactions réciproques.
Dans celui des adultes les rancoeurs, les intrigues mesquines, les malentendus entretenus par le souci de ne pas perdre la face sont source de conflits qu’on laisse s’envenimer insidieusement sans que personne n’ait le courage de s’y opposer.
- kodomo no shiki (Hiroshi Shimizu 1939)
Les enfants subissent les répercussions de ces conflits (l’interdiction d’utiliser la balançoire et le cheval d’arçon, sous séquestre) et reproduisent dans un premier temps les comportements de leurs parents mais, occupés à des activités plus sérieuses (jouer), ne tardent pas à les dépasser, se révélant au bout du compte beaucoup plus responsables, moins immatures que leurs aînés censés leur montrer l’exemple.
Ainsi résumé le scénario peut paraître naïvement optimiste, mais Shimizu évite le forcing dramatique et l’idéalisation simpliste en prenant le recul indispensable.
Il adopte un rythme lent, musical, celui des quatre saisons annoncées par le titre, et, recourant volontiers à l’ellipse, privilégiant l’instant à la continuité, fait de chaque scène, terminée par un fondu au noir, un fragment autonome, non soumis à la mécanique du drame.
Les plans souvent très larges et la superbe photo signée Yûharu Atsuta et Masao Saito créent une sensation d’ordre météorologique, livrant parfois les personnages, minuscules, à l’immensité de la nature. Les montagnes imposantes, les frondaisons des arbres agitées par le vent, l’eau du torrent ou de l’étang, la température de l’air qu’on croit percevoir, les animaux (le cheval sur lequel tous veulent monter, la vache qu’on promène, celle qu’on est obligé de vendre, les carpes répondant à l’appel) ne sont pas simple décor d’arrière plan ou accessoires, ils existent à part entière.
- kodomo no shiki (Hiroshi Shimizu 1939)
Ce regard contemplatif colore toutes les scènes, même les plus enjouées (et on sourit souvent) d’une mélancolie souterraine ou plutôt d’une gravité qui ne s’estompe jamais complètement.
Pourtant le montage est très articulé et il n’y a rien de systématique dans les partis-pris de cadrage, le cinéaste n’hésitant pas par ailleurs à recourir au très gros plan, filmant par exemple les pieds des enfants chancelants sous le poids de celui celui qui s’est foulé la cheville en tombant de l’arbre et qu’ils portent sur leur dos à tour de rôle.
Mais toujours il trouve la juste distance pour susciter l’empathie sans tomber dans la sensiblerie, n’esquivant pas la cruauté des situations et du contexte social (juste esquissé, sans doute par crainte de la censure en ce temps de dictature militaire et de guerre) et faisant sourdre naturellement une émotion contenue mais irrépressible.
Bref : kodomo no shki / Les quatre saisons des enfants est simplement un des plus beaux films qui ait jamais été consacré à l’enfance.
- Quatre films sur l’enfance (1937-1941) de Hiroshi Shimizu
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