Viol intérieur
Le 20 novembre 2005
- Auteur : Scott Heim
- Editeur : Au diable vauvert
- Genre : Thriller, Roman & fiction
– Regards croisés : Mysterious skin, le film de Gregg Araki
– Lire notre entretien avec Scott Heim
Un roman à la thématique excessivement sombre, écrit de façon lumineuse. Mysterious skin, c’est l’histoire de deux gamins démolis tentant d’avancer et de se reconstruire.
Il y a comme ça des romans étonnants, des romans coup de poing qui vous retournent les tripes mais qu’il est paradoxalement impossible de lâcher. Sans tomber dans le voyeurisme abject ou la complaisance perverse, Scott Heim transcende un thème difficile et rarement abordé en littérature, le viol d’enfants et la pédophilie. Cet écrivain parvient à faire accepter l’inacceptable au lecteur, à la seule force d’une plume qui traite de l’ignoble sans jamais se perdre en allusions maladroites ou en clichés malheureux. Curieusement, c’est grâce à un fond bourré de tendresse et d’innocence que Heim peut glisser sur ces sentiers escarpés et douloureux.
Cette innocence est magnifiquement incarnée par les personnages de Neil et Brian, deux enfants qui ont neuf ans au début du roman. Ils font partie d’une équipe de base-ball et leur entraîneur, en qui chacun a une confiance absolue, va profiter des carences affectives de Neil pour se substituer à ses parents et ainsi gagner sa confiance. Neil ne considère pas les abus sexuels dont il est victime comme tels, mais plutôt comme l’illustration logique d’une relation forte et exclusive. Pour Brian, la situation est un peu différente. Convaincu d’avoir été enlevé par des extra-terrestres après un trou de mémoire consécutif à son agression, l’enfant mettra des années à expulser ce poids et à voir ses souvenirs se reconstituer. Il va partir en quête d’une vérité qui l’empêche de mûrir et son chemin finira par croiser celui de Neil.
Par une construction très habile, Scott Heim fait se multiplier les voix et les époques. La tendresse du regard de Neil sur son bourreau est celui d’un enfant vulnérable, perdu, mais fasciné. Pour Brian, c’est le refuge dans un monde parallèle et imaginaire qui va l’aider à refaire surface. La souffrance reste en eux, décisive par rapport à leur vie d’adulte, même s’ils refusent de se l’avouer, consciemment ou pas. Il faut le répéter, ce sujet est si sensible que des pincettes sont plus que nécessaires quand on choisit de s’y attaquer. Mais Heim parvient à baser son roman sur un paradoxe absolu. Celui de nous faire aimer l’infâme. Du grand art.
Scott Heim, Mysterious skin (Mysterious skin, traduit de l’anglais par Christophe Grosdidier), Au Diable Vauvert, 2005, 407 pages, 23 €
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Stéphanie Alves 17 octobre 2005
Mysterious skin - Scott Heim
Je n’ai pas lu le livre mais j’ai vu le film et à la lecture de cet article, je retrouve parfaitement l’ambiance du film. Parler d’un sujet très douloureux, très dur, sans complaisance sans tomber dans le sordide gratuit.
Je vais me précipiter chez mon libraire préféré pour acheter ce roman. Je ne savais même pas que le film était tiré d’un roman !
En tout cas merci pour cet article, qui m’a vraiment donné envie de lire le livre.