Le 11 septembre 2006
- Festival : Festival de Venise 2006
Retour synthétique sur l’une des manifestations les plus prestigieuses du septième art.
Retour synthétique sur l’une des manifestations les plus prestigieuses du septième art, la Mostra de Venise, qui, pour sa 63e édition, a vu défiler quelques-uns des plus grands noms du cinéma contemporain, à commencer par celui de la présidente du jury, l’intemporelle Catherine Deneuve. Cocorico.
Particulièrement attirant, le line-up de cette année a réservé son lot de surprises et de déceptions. On peut toutefois se féliciter d’un festival réussi où l’absence de très grands films ne saurait faire oublier le niveau globalement élevé de la compétition.
Ouvrant la sélection, Le dahlia noir de De Palma, adaptation du roman d’Ellroy valant principalement pour ses qualités formelles et sa reconstitution du Hollywood des années 40, a beaucoup partagé. Le film est néanmoins bien plus abouti que le désespérément plat Hollywoodland, le premier long d’Allen Coulter (Les sopranos, Six feet under), sans réelle personnalité. Puisant dans le même inconscient collectif glamour, Infamous de Douglas McGrath, se propose de raconter la genèse du livre De sang-froid. Plutôt surprenant quand on sait que le même sujet a été traité, il y a quelques mois à peine, dans le Truman Capote de Bennet Miller. Moins sombre que ce dernier, Infamous se révèle être une variation divertissante, mais tout a fait dispensable.
Particulièrement attendu, le retour de Darren Aronofsky, le petit prodige de Pi et de Requiem for a dream. Dans le contexte festivalier, le moindre faux-pas peut s’avérer fatal et The fountain en a fais les frais. Traversé d’images sublimes, cette fiction épique se complaît dans une philosophie new age particulièrement risible et exaspère plus qu’elle ne fascine. Un ratage historique, comparable à la purge World Trade Center, pamphlet patriotique dénué du moindre sens critique : comment bousiller une carrière d’exception en un seul film.
Bobby, de Emilio Estevez, prend la forme du film choral pour raconter l’assassinat de Robert Kennedy. Particulièrement fade, sa présence en compétition officielle reste un mystère. Verhoeven revient en Hollande pour un Black book des plus décevants qui, si il fait preuve d’une indéniable rigueur, paraît trop consensuel pour se démarquer du lot. Heureusement, Alfonso Cuaron relève le niveau avec son Children of men, incroyable blockbuster d’action et premier vrai film sur la paranoïa sécuritaire post-11 septembre. Dans un futur de bruit et de fureur, le cinéaste orchestre une œuvre sombre et lyrique, réalisée de manière percutante et truffée de morceaux de bravoure (dont une incroyable fusillade en plan séquence). Quant à Lynch, son INLAND EMPIRE semble pousser le cinéma dans ses ultimes retranchements et abolit définitivement la frontière entre le cauchemar et la réalité. Enfin, soulignons la réussite de A guide to recognizing your saints, de Dito Montiel, attachante production indépendante évoquant les premiers Scorsese et l’esprit Sundance. Globalement, du coté des Américains, on peut tout de même observer un net refus de traiter du contemporain en s’abritant derrière un passé plus ou moins nostalgique (le Hollywood de l’âge d’or) ou bien un futur incertain.
L’Asie, elle, a globalement déçue. Beaucoup de grands cinéastes y présentaient des œuvres mineures. A commencer par deux maîtres de l’animation, Katsuhiro Otomo et Mamoru Oshii, pour qui le passage au film "live" est particulièrement douloureux. Le premier adapte un manga et situe son Bugmaster dans le japon féodal, un univers peuplé de monstres et de légendes. Esthétiquement réussi, le film souffre d’un scénario opaque et d’une durée excessive (plus de deux heures). Oshii livre un The amazing lives of fast food grifters particulièrement frustrant, mélangeant prises de vues réelles et techniques d’animation pour une histoire du japon racontée à travers ses échoppes de fast food. Les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures, même si le métrage a le mérite de s’imposer comme la plus grosse bizarrerie de l’année. Tsai Ming-liang poursuit ses obsessions et creuse, une fois de plus, son sillon aquatique. N’empêche que I don’t want to sleep alone est une petite merveille de cinéma contemporain, conciliant l’esthétique translucide de Et là-bas quelle heure est-il ? et le travail sur les corps de La rivière. Un vrai coup de cœur personnel. Johnnie To (Fanghzu) singe le cinéma de John Woo et de Peckinpah, tandis que Shinji Aoyama avec Koorogi nous perd dans les méandres d’un scénario labyrinthique (on finira par croire que son Eureka n’était qu’un one-shot miraculeux). Jia Zhang-ke était présent avec deux oeuvres : Dong, un documentaire d’une heure résolument soporifique et Still life Lion d’Or que personne n’a vu (programmé à la dernière minute à une séance de minuit, sa vision relevait de l’exploit). Quant à Weerasethakul, il continue de faire un cinéma mystique qui ne ressemble à rien. Encore plus tortueux que les précédents, Syndromes and a century demeure une expérience hypnotique tout à fait recommandée aux cinéphiles les plus aventureux. Au niveau de l’animation, Satoshi Kon s’enlise dans d’insupportables délires psychanalytiques tandis que Goro Miyazaki, fils de, livre une œuvre d’heroic fantasy sans fantaisie : l’avenir du Studio Ghibli semble compromis.
Peu présent, le cinéma italien réservait tout de même quelques surprises. A commencer par La stella che non c’è de Gianni Amelio, où Sergio Castellitto se rend en Chine, sur les traces d’Antonioni. Egalement très attendu, le dernier Emanuele Crialese. Evoquant America, America,Nuovomundo, structuré en trois actes, raconte l’immigration d’une famille de paysans siciliens. Touchant, quoique inégal (les moments de grâce succédant à des passages plus conventionnels).
Enfin, signalons une présence française particulièrement forte et homogène. A commencer par le superbe dernier opus de Resnais, Cœurs. Le maître y raconte, dans un Paris enneigé, la solitude et les angoisses existentielles d’un groupe de personnages. Du théâtre filmé pour un grand moment de cinéma. Egalement en compétition officielle, le dernier Benoît Jacquot, L’intouchable. Difficile d’accès, mais admirable de pureté et d’intuition cinématographique. Ses audaces de mise en scène sont malheureusement passées totalement inaperçues du public et de la critique. Autre découverte, le Nue propriété de Joachim Lafosse, film sous ascendance Pialat avec Isabelle Huppert. Hors compétition, on a également pu visionner Le pressentiment, très beau premier long de Daroussin (avec une mise en scène étonnamment assurée), ou encore C’est Gravida qui vous appelle, d’Alain Robbe-Grillet, trip onirique et troublant évoquant certaines expériences cinématographiques des années 70. Enfin, n’oublions pas Belle toujours, délicate miniature où Oliveira orchestre, quelques quarante ans après, la rencontre des deux protagonistes du classique de Bunuel. Un film de rien du tout, impressionnant d’élégance et d’épure : de quoi conclure magistralement cette édition de la biennale.
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