Mort du réalisateur Claude Lanzmann

Lors du Festival de Cannes 2015, à l’issue de la projection du Fils de Saul de László Nemes dans la salle Buñuel, un vieil homme était en larmes, face au réalisateur. Il s’agissait de Claude Lanzmann, qui a consacré une grande partie de sa vie à perpétuer le souvenir de l’extermination des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Son film le plus célèbre, Shoah, sorti dans les salles en 1985, avait nécessité plusieurs années de préparation. Ce documentaire de plus de neuf heures reste, avec le court-métrage Nuit et brouillard d’Alain Resnais, le film de référence sur le sujet. Refusant les documents d’archives et le recours aux artifices académiques (musique, voix off…), la démarche de Claude Lanzmann était axée sur les témoignages de survivants de l’époque et le filmage des lieux de mémoire, avec une prédilection pour des travellings qui exprimaient l’idée du dernier voyage, du dernier moment… Claude Lanzmann était assez remonté contre les fictions ayant voulu filmer l’horreur concentrationnaire, de la mini-série télévisée Holocauste à La Vie est belle de Roberto Benigni, tant il estimait qu’aucune image de reconstitution ne pouvait rendre compte de l’horreur de la Shoah. Cette doxa fut peut-être ébranlée par sa vision du Fils de Saul, qui tentait une démarche médiane, adoptant un cadre fictionnel, mais refusant le romanesque et l’émotion, privilégiant le hors-champ et la sobriété. D’autres documentaires de Claude Lanzmann ont confirmé son intérêt pour les thèmes de la mémoire de la déportation et de la question israélienne. On peut citer Pourquoi Israël (1973), Tsahal (1994), Le Dernier des injustes (2013), et Les Quatre sœurs, en quatre parties, dont les deux premiers volets ont été distribués en salle la veille de sa mort. Lauréat d’un César d’honneur et d’un Ours d’or à la carrière à la Berlinale, Claude Lanzmann est décédé à l’âge de 92 ans.