Mort de Jonathan Demme, le réalisateur du Silence des Agneaux et Philadelphia

LA CRITIQUE DE SES FILMS

Bien triste nouvelle que la mort du cinéaste oscarisé Jonathan Demme, à l’âge de 73 ans. Il vient de nous quitter des suites d’un cancer de l’œsophage dont il souffrait depuis de longues années.
Jonathan Demme, que l’on avait retrouvé avec plaisir dans le domaine de la comédie un poil musical (Ricki & the Flash, avec Meryl Streep, en 2015) officiait à Hollywood depuis les années 70, époque de films de genre savoureux (5 femmes à abattre, pur film d’exploitation, la comédie très kitsch Crazy Mama, et le pamphlet anticapitaliste avec Peter Fonda Colère Froide).
En France, on le découvre avec le cultissime documentaire live sur les Talking Heads, Stop Making Sense, un monument du genre.
Clippeur pour New Order et UB40, en parallèle de sa carrière sur le grand écran, il devient le cinéaste indépendant à suivre en 1986, avec le désaxé Dangereuse sous tous rapports, comédie new wave avec Melanie Griffith. En 1988, il signe un autre succès dans cette veine, avec une autre gloire féminine montante, Michelle Pfeiffer, Veuve, mais pas trop.... Il est alors très tendance.
Il monte en grade au début des années 90, en devenant malgré lui un réalisateur à Oscars. En 1991, le thriller glauque et ténébreux Le Silence des Agneaux est l’une des œuvres les plus influentes de la décennie et va réorienter les années 90 vers des polars avec tueurs en série vicieux (Seven, Basic Instinct, pour n’en citer que deux). Avec Jodie Foster et Anthony Hopkins, l’adaptation du roman machiavélique de Thomas Harris, mettant en scène les manipulations psychologiques du cannibale Hannibal Lecter, obtient pas moins de cinq Oscars, dont meilleurs acteur, actrice, film... et réalisateur !
En 1993, bien avant les trithérapies, dans une société où le sida assassin est assimilé au cancer gay, à vivre dans le placard des hôpitaux et la honte, il met en scène un drame pour le grand public, avec un personnage ouvertement homosexuel et atteint de la maladie. C’est Philadelphia, dont on retient l’interprétation à contre-emploi du comique de l’époque, un certain Tom Hanks, et la musique de Bruce Springsteen (le tube Streets of Philadelphia, numéro 1 des ventes mondiales).
S’il s’agit alors, en 1993, de son dernier succès en salle, on notera quelques sorties intéressantes, le formidable Beloved, mélange d’exorcisme et de drame sur fond d’esclavage, avec Oprah Winfrey. Ce film formidable, d’après Toni Morrison, est un lourd échec. Le film d’espionnage La vérité sur Charlie, en 2003, avec Mark Wahlberg, Un crime dans la tête avec Denzel Washington et Meryl Streep (2004), ne le remettent pas sur les rails.
Avec une tonalité plus indépendante et donc plus rafraichissante, Rachel se marie (2008) est l’un des sommets d’une carrière, qu’il consacrera jusqu’au bout à la musique, et notamment à son idole Neil Young. Il filmera également Justin Timberlake le soir d’un concert mythique à Las Vegas.
Un grand auteur, à la carrière riche, vient donc de nous quitter.