Voilà ce qu’on peut appeler un roman complètement dingue. C’est l’histoire d’un soldat qui se retrouve cloué sur un lit d’hôpital, paralaysé et muet. On suppose qu’il a été blessé au combat. On suppose car il va tenter de raviver ses souvenirs tout au long du récit, nous raconter chapitre après chapitre les raisons qui l’ont planté dans cette chambre et transformé en légume ayant conservé la faculté de penser.

Retour en arrière. Notre (pas encore) soldat s’est tapé Minitrip, la copine de Jim-Jim Slater, un chanteur has-been. A la suite d’une furieuse engueulade, il a cassé les dents de la demoiselle. Colère de Jim-Jim qui ne voit qu’une solution pour passer l’éponge. Que notre homme assassine Caroline Lemonseed, la chanteuse officielle des troupes envoyées en mission, qui fait de l’ombre à Jim-Jim en raison d’un succès monstrueux. Et notre narrateur, flanqué de son pote Moktar, de s’engager dans l’armée afin de dessouder la Caroline en question pour régler définitivement sa dette.

Avouez que ça commence bien ! L’ensemble du récit est de cet acabit, aussi délirant que farfelu. Tout ça se déroule dans un pays parti en guerre contre le terrorisme, où les interventions militaires sont diffusées à la télé. Eh oui, l’audimat et les sponsors, y a qu’ça de vrai ! Les caméras tournent quand les soldats grimpent dans un bus, zooment quand ils investissent un immeuble. Ils ont même droit à des séances de maquillage avant une arrestation ! Mais l’imagination débordante de Gunzig ne s’arrête pas là. Chaque personnage est un roman à lui tout seul et l’auteur a le don, dans un style aussi supersonique que drôle, de tout tourner en dérision (ah ! les lettres d’amour de la vieille Scapone à Moktar, un vrai régal : "La vie sans toi ressemble à un chien malade attaché à un arbre au bord d’une autoroute.") Sadique, cynique et grave, Mort d’un parfait bilingue donne autant à rire qu’à penser. Tout ce qu’on lui demande !