Le 7 septembre 2022


- Titre original : Miss Josephine
- Date de sortie : 7 septembre 2022
- Titre original : Miss Josephine
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Ce roman s’appesantit sur les relations entres Blancs et Noirs depuis la Guerre de Sécession, sur l’évolution du racisme, à travers le destin de deux femmes de la même famille, les héroïnes laissant la part belle à l’Histoire.
Résumé : Louisiane, 1924. Née esclave, Josephine a fui à l’âge de dix ans la plantation où elle vivait avec ses parents. Désormais septuagénaire, elle dirige une exploitation agricole florissante mais l’arrivée dans son voisinage d’un couple de Blancs l’inquiète. Le Ku Klux Klan prospère dans la région. Près d’un siècle plus tard, Ava, une descendante métisse de Josephine, emménage chez sa grand-mère paternelle blanche et fortunée. Sans le savoir, son destin va converger avec celui de son aïeule...
Critique : Josephine, entre ses dix ans et ses soixante-dix ans, est accoucheuse, sorte de doula rassurante, de sage-femme qui doit aussi s’occuper de sa propre famille – mais cela, le lecteur le devine seulement entre les lignes, devant se contenter de connaître cette femme à l’aube et au crépuscule de sa vie. Habitée de pouvoirs étonnants, Josephine est celle qu’elle est aussi parce qu’elle a fui la plantation où elle est née, comme elle le raconte souvent à son petit-fils, mélange d’histoires du soir mystérieuses et d’avertissements. Elle tâche d’inculquer à ses héritiers que le monde blanc est dangereux, qu’ils doivent s’en tenir éloignés – elle manque elle-même de prudence à deux reprises : enfant, elle frayait avec la fille de ses propriétaires, amitié risquée, tandis que, vieille dame, elle se prend de pitié pour sa voisine, en apparence inoffensive. Son don l’habite, mais ne lui permet pas toujours de protéger les siens, de les préserver des Blancs, ni même ses descendants. Ainsi, en 2017, Ava, son arrière-arrière-arrière-petite-fille métisse, emménage chez sa grand-mère blanche. Celle-ci entre dans la sénilité et tend à plonger dans un racisme qui est inhérent à sa famille depuis des générations. Ava dédaigne les prémonitions de sa mère, elle aussi doula, spirituellement liée à Josephine dont elle voit la silhouette, dont elle entend la voix.
Le rythme ternaire de ce roman a tout d’abord tendance à frustrer, consignant les héroïnes à une époque spécifique de leur vie, les empêchant d’acquérir une véritable profondeur malgré leur caractère marqué. Pourtant, peu à peu, le lecteur comprend qu’il s’agit davantage de s’appesantir sur l’évolution du racisme, sur l’idée d’héritage des deux côtés de la frontière incarnée par la couleur de peau, que de donner corps à des existences abouties, de bout en bout. Après Un soupçon de liberté, l’autrice s’intéresse donc une nouvelle fois à la famille, enjambe les générations grâce à une touche de Southern Gothic et de vaudou, pour toucher à l’essence de la Louisiane, pour saisir ces frottements entre monde blanc et monde noir qui, d’après son récit, échouent encore aujourd’hui à se marier, porteurs des traumatismes d’hier, héritiers des dichotomies irréconciliables du passé.
Margaret Wilkerson-Sexton - Miss Josephine
Actes Sud
11.50 x 21.70 cm
336 pages
22,80 euros