Mina Sang (MAJ) : Incorporée, un oxymore de textes enflammés + interview

Le format physique continue à avoir une belle vie chez les indépendants. La preuve avec la sortie ce 15 septembre d’un EP 5 titres que Mina Lang proposait à l’écoute depuis juin sur les plateformes de streaming. L’artiste semble avoir roulé sa bosse à en croire le communiqué de presse qui vante une ancienne "squatteuse et fermière, sculptrice et cartomancienne, accordéoniste et camionneuse, belge et limousine."
L’auteure ne révolutionne en rien la mouvance pop-électro-vintage qui entretient autant de liens avec les sons rétros de Ellie & Jacno que la pertinence des textes de ses contemporains.
Incorporée, le titre qu’elle défend pour officialiser sa nouvelle carrière, la voit sereine dans la rage, un oxymore qu’elle reprend dans sa vidéo, entre champs fleuris et images d’archives de manifestations musclées ; elle n’a "plus peur de commencer"... Le morceau a une simplicité lancinante qui traîne, avec une certaine efficacité. Toutefois, c’est bien Je brûle, incandescent par essence, qui nous fait fondre, ou bien la mélodie plus abrupte et caverneuse de Passage. L’entrain et la fluidité de Picnic a un style délicieusement végétal, où l’instrumentation, entre synthé et guitare fait des merveilles. Le choix de l’anglais reste plus discutable. Est-ce encore pour la proximité thématique avec les flammes de Je brûle : "the house on the fire, we are in the nude, we let it burn" ?
Enfance convoque la plume de Rimbaud pour clôturer l’EP sur la fin du monde. Un doux apocalypse de flamme et de désir que l’on ne manquera pas de suivre.

Interview :

aVoir-aLire : "Incorporer" le monde de la musique, après ton parcours atypique, c’était comme une évidence : comment en es-tu arrivée à sortir ton premier EP, y compris, chose rare aujourd’hui, en format physique ?
Mon « parcours » ressemble parfois à une vie à l’envers, où l’on sait intimement et depuis toujours ce que l’on veut – la musique, mais où il est pourtant nécessaire d’expérimenter les mille et une choses qui nous animent également. Pour ensuite boucler la boucle, revenir au commencement, grandie d’un certain nombre d’expériences. Mais si j’ai fait de l’agriculture, de la sculpture ou conduit des poids lourds, je l’ai quand même toujours fait en chantant. Un jour j’ai décidé de composer mes propres chansons et puis, il y eut quelques bonnes rencontres.
Enfin, je ne pouvais pas échapper au format physique, puisqu’il fallait bien matérialiser « Incorporée ».

aVoir-aLire : Comment as-tu envisagé la sélection des titres, via une orientation poétique, créatrice, une ligne directrice particulière ?
Cinq titres : cinq comme les doigts d’une main, mais aussi cinq au sens symbolique de la révélation des secrets. Le disque s’ouvre avec « Incorporée » qui dit « je n’ai plus peur de commencer » de manière à la fois joyeuse et mélancolique, et se clôt sur « Enfance », sur « ce ne peut-être que la fin du monde, en avançant » extrait d’un poème d’Arthur Rimbaud. Entre les deux, il y a l’amour (« Je brûle »), un voyage transformateur (« Passage ») et un « Picnic », nus, sur l’herbe, alors que la « maison brûle ». Les cinq chansons convergent vers ce paradoxe apparent de simultanément rencontrer le monde et d’accomplir notre solitude. Il s’agit de percevoir et de nourrir le monde de manière singulière, et, puisque celui-ci est en ruine, d’apprendre à vivre parmi les ruines.

aVoir-aLire : Comment envisages-tu la suite ? Un second EP, un album pour bientôt ? C’est qu’on a envie d’en entendre plus...
A côté de ces cinq premiers titres, on peut déjà entendre d’autres morceaux en concert. Et pour la suite, je l’envisage... différemment !