Le 3 juillet 2016
- Réalisateur : Michael Cimino
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Entre Voyage au bout de l’enfer et Les Portes du Paradis, Michael Cimino, poète brute et brutal de la nouvelle vague du cinéma américain des années 70, était l’un des grands mythes d’une industrie qui en a fait vite un auteur maudit. L’un des plus grands vient de partir à l’âge de 77 ans.
La mort de Michael Cimino fait partie de ces électrochocs qui remuent intérieurement tout cinéphile qui a grandi dans la force du cinéma américain des années 70. Figure emblématique de la nouvelle vague américaine propre à cette décennie, celle des Schrader, Kubrick, Coppola ou Scorsese, le cinéaste démarre brillamment avec Le Canardeur (Thunderbolt, en VO). Clint Eastwood mégastar lui fait confiance et s’en sort avec un succès au box-office supplémentaire. Les deux artistes s’étaient rencontrés sur Magnum Force, dont Cimino avait écrit le script, peu après celui, plus contestable, de Silent Running (sortie DVD et Blu-ray ce mois-ci chez Wildside, pour les curieux)..
Quelques années plus tard, alors qu’il est envisagé pour réaliser The Rose, d’après la vie tragique de Janis Joplin, il livre son plus grand chef-d’œuvre, emblème désenchanté d’une décade de noirceur, son Taxi Driver ou son Apocalypse Now à lui, Voyage au bout de l’enfer. Les affres du Vietnam, ses traumas et les stigmates au cœur de la société américaine, sont livrés dans un pamphlet cauchemardesque, où De Niro explose une fois de plus, aux côtés de Christopher Walken, John Savage et une inconnue, Meryl Streep. Le film remportera 5 Oscars, dont ceux du meilleur Film et du meilleur Réalisateur.
Porté par ce succès, Cimino engage des millions de dollars dans le projet de la démesure de trop. De l’Enfer il passe au Paradis, et repart à la Conquête de l’Amérique du XIXe siècle. Heaven’s Gate, avec Kris Kristofferson, Jeff Bridges et Isabelle Huppert, est le fiasco le plus douloureux d’une décennie, sonnant la fin des projets démesurés autour de sujets mâtures et sombres, avec le Coup de cœur de Francis Ford Coppola, l’autre bide significatif de l’époque. Désormais Hollywood se tournera vers le cinéma de divertissement, les franchises et la science-fiction. Les années 2010, avec l’accumulation de Star Wars, de Marvel et de reboot n’en sont qu’une conséquence lointaine. L’industrie laissera au cinéma indépendant à petit budget les sujets vraiment dramatiques. Une page est tournée avec ce drame de l’immigration au titre si ironique, remettant en question, longtemps avant Gangs of New York de Scorsese, les mythes sur la création d’une nation immaculée.
La suite ne sera que galère pour le cinéaste, devant trouver des financements pour des projets avortés. Il revient toutefois 5 ans plus tard avec L’Année du Dragon (1985), polar taxé de racisme un peu trop vite. Il y dirige pour la première fois un autre artiste maudit, Mickey Rourke. L’échec américain est au moins contrebalancé par le succès européen, et notamment français, où l’acteur de 9 Semaines 1/2 et Rusty James était extrêmement populaire. On sera moins élogieux quant au Sicilien avec Christophe Lambert (1987) et Desperate Hours (1990), quoique.
Sunchaser avec Woody Harrelson, sera son septième et ultime film en 1996. Par la suite Cimino sera célébré en Europe pour ce qu’il a incarné, la flamboyance d’un cinéma authentique, jusqu’au-boutiste, viscéral et entier, qui a redéfini un art après quelques 70 ans de formatage populaire. Un Dieu regagne donc le paradis, à moins qu’on l’y retrouve dans son enfer. Dans tous les cas, il restera à jamais dans nos DVDthèques. Les collectors récents de Carlotta en sont la preuve la plus patente. On vous renvoie à tous leurs titres (La Porte du Paradis, L’Année du Dragon, Le Canardeur...) qui sont présentés dans des conditions ultimes.
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