Le 22 décembre 2005
Retour sur l’une des aventures les plus passionnantes de l’histoire de l’édition en bande dessinée.
Retour sur l’une des aventures les plus passionnantes de l’histoire de l’édition en bande dessinée.
Lire l’épais ouvrage concocté par Gilles Poussin et Christian Marmonnier, c’est se plonger dans une histoire tumultueuse et quasi mythique, celle d’une revue visionnaire qui offrit à la bande dessinée, l’espace d’une bonne dizaine d’années, un statut qui la dépassait et des passerelles vers toute une culture de la marge en pleine ébullition, celle du rock, du punk, de la littérature de science-fiction, de l’érotisme trash, du pop art et des recherches graphiques et narratives d’avant-garde. L’aventure nous est judicieusement contée, sous la forme d’une gigantesque interview croisée, par les acteurs de cette petite révolution éditoriale qui prolongea à sa manière jusqu’au-boutiste, le virage abordé par Goscinny au sein de Pilote : celui d’une bande dessinée d’après 68 qui se libère de la bonne morale enfantine dans laquelle on l’avait enfermée.
Les principales personnalités ont répondu présentes : Bilal, Dionnet, Druillet, Serge Clerc, Margerin, Jodorowsky, Jano, Dodo... et aussi tous ceux qui ont participé à l’aventure éditoriale au sens large : rédacteurs, secrétaires, maquettistes, responsables éditoriaux. C’est dans les plus menus détails que nous est racontée cette aventure, avec ses emballements, son émulation collective, mais aussi ses prises de becs et ses désillusions. La richesse de l’ouvrage rebutera peut-être un peu le parfait néophyte qui, noyé sous une tonne de détails, aura du mal à trouver ses repères. En revanche, cette même abondance ravira ceux qui croyaient déjà connaître cette histoire sur le bout des ongles et qui découvriront l’histoire cachée de certaines œuvres mythiques telles que Le bandard fou (Moebius), La nuit (Druillet) ou Le jeune Albert (Chaland)...
Tous deux, amateur chevronné et parfait découvreur, se régaleront du scrapbook situé en fin de volume qui reprend 600 images, dont toutes les couvertures de la revue, et atteste de la richesse graphique qui s’est illustrée en ces pages... Car l’apport de Métal Hurlant a avant tout été visuel, il a libéré la BD de sa tutelle littéraire, faisant résonner image et imaginaire au même diapason, préfigurant une véritable mondialisation du neuvième art - avec ses collaborations internationales (Corben, Eisner...) et ses éditions étrangères - et étendant son influence bien au-delà des limites traditionnelles de la bande dessinée.
Pourtant, Métal Hurlant ne fut pas qu’une pépinière de géniaux auteurs... Tout ce qui y fut publié n’a pas été d’une indéniable qualité. Les œuvres de beaucoup (Voss, Macedo, Denis Sire...) ont même très mal vieilli, mais elles sont encore aujourd’hui le témoin d’une revue qui était de son temps, époque révolue où la création et l’innovation en bande dessinée se faisaient au sein des magazines.
Métal Hurlant a vécu une existence en forme de météorite, mais qui a fait du bruit et dont nous pouvons encore percevoir aujourd’hui les troublants échos. Des revues mythiques et disparues - (A suivre), Pilote... -, elle est peut-être celle qui nous touche le plus parce qu’elle était la plus impertinente, la plus trublion, la plus dirigée par la passion, loin des calculs purement commerciaux. À ce titre, les différents intervenants remettent quelque peu les choses à leur place et rendent à César ce qui est à César. Si Moebius et Druillet étaient bien à l’origine du magazine, ils s’éloignèrent assez vite de sa direction, plus préoccupés par leur planche à dessin et leurs problèmes personnels. La véritable éminence grise de Métal Hurlant fut Jean-Pierre Dionnet, touche-à-tout à l’énergie peu commune, amateur maladif de tout ce qui se situe en marge de la culture officielle, incroyable dénicheur de talents. S’il fut scénariste à ses heures, son gros œuvre reste avant tout de nature éditoriale : Métal Hurlant, c’est lui. Preuve, s’il en était encore besoin, que ceux qui ont fait avancer l’histoire de la BD ne sont pas seulement les auteurs, mais aussi des visionnaires comme Dupuis, Goscinny et Dionnet qui, chacun à leur époque, ont su indiquer des directions à suivre.
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