Le 3 juillet 2024
Un comédien principal extraordinaire, Adam Bessa, au service d’un récit qui tente de rendre justice aux prisonniers politiques et plus largement à l’ensemble des disparus de la Syrie. Jonathan Millet réalise une œuvre salutaire dans un contexte où les médias auraient tendance à oublier actuellement le sort terrible réservé au peuple syrien.
- Réalisateur : Jonathan Millet
- Acteurs : Tawfeek Barhom, Adam Bessa, Julia Franz Richter, Hala Rajab
- Genre : Drame, Espionnage, Policier
- Nationalité : Français, Allemand, Belge
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 1h46mn
- Date de sortie : 3 juillet 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Semaine de la Critique, Ouverture
Résumé : Hamid est membre d’une organisation secrète qui traque les criminels de guerre syriens cachés en Europe. Sa quête le mène à Strasbourg sur la piste de son ancien bourreau.
Critique : D’abord, il y a le souffle de ces hommes enfermés dans un camion. Ça pourrait être un train où étouffaient les victimes de la barbarie nazie. En fait, c’est un camion militaire qui répand comme des chiens des prisonniers politiques dans le désert syrien. Les Fantômes ne relate pour pas une énième fois le parcours tragique de candidats à l’exil en France. Le film raconte l’arrivée récente à Strasbourg, d’un jeune homme, Saleh, qui a réussi à braver les étapes de sa reconnaissance de réfugié politique en Allemagne. L’homme se trouve là parce qu’il est à la recherche d’un prétendu cousin, qui, en vérité, pourrait être l’un de ses bourreaux de la prison de Saidnaya. Ainsi, le long-métrage s’attache à suivre l’enquête du jeune homme, espion malgré lui, afin de faire reconnaître l’identité véritable de celui qui l’aurait torturé.
Les films sur la question syrienne manquent dramatiquement sur les écrans français, ayant été dépassés hélas par d’autres drames politiques plus récents comme l’Ukraine. Pourtant, la situation est loin d’être résolue malgré la relative indifférence des médias ou des débats politiques européens actuels. Le projet de Jonathan Millet vient donc à point nommé et se propose comme une œuvre coup de poing. Le récit explore à la fois l’installation complexe d’un homme en France, hanté par les démons du passé et les traumatismes de guerre, et la quête désespérée de faire advenir la justice. On sait que parmi les candidats à l’asile, les autorités administratives se laissent parfois abuser par des auteurs de crimes de guerre qui viennent sauver leur peau après avoir tué des innocents.
- Copyright Films Grand Huit
Mais cet étudiant en chimie que Saleh poursuit ne pourrait pas aussi être celui qu’il voudrait reconnaître. On voit douter le protagoniste, surtout quand il est saisi par les cauchemars de son histoire. Il erre dans les couloirs de la bibliothèque de Strasbourg, vivant ainsi comme une ombre peu occupée à s’insérer mais à faire advenir la vérité des auteurs de crimes de guerre pour un corpuscule qui œuvre en Europe. Les Fantômes dresse une description troublante de la question syrienne, où l’on se rend compte que les réfugiés continuent de survivre dans la peur et la méfiance de l’autre. Le comédien principal, Adam Bessa, se drape avec brio dans la peau de cet espion torturé, partagé entre son passé et une certaine forme d’empathie à l’égard de son tortionnaire.
Le titre Les Fantômes est très pertinent. Il rend compte pour les demandeurs d’asile du dépouillement identitaire auquel confère la reconnaissance du statut de réfugié, tout en montrant les esprits qui encombrent les villes, toutes pouvant être d’un côté ou de l’autre, dans des pays où a sévi l’horreur de la dictature. Il y a dans le regard de Jonathan Millet une véritable acuité à percevoir un réel ébranlé par les positionnements politiques et personnels de chacun, et les errements de l’Histoire. En ce sens, le film multiplie les points de vue sur la compréhension des conflits qui étranglent le monde, à commencer la Syrie où Bachar el-Assad semble aussi complexe à percevoir que les opposants à son régime, pourtant soumis à d’atroces persécutions.
Les Fantômes est un film fort, percutant, savamment mis en scène à travers le paysage intérieur du héros principal, les vestiges du souvenir de Syrie et les lieux en Europe ou au Liban qu’il parcourt. Plus que jamais, le long-métrage remémore la nécessité de ne pas oublier la drame qui continue de se jouer jour après jour à Alep ou ailleurs, assommés par la tyrannie.
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