Le 4 juin 2023
Envoûtant, ambigu, séduisant et entraînant, Fleur pâle est enfin distribué en salles, et mérite qu’on prenne le temps d’en discuter.
- Réalisateur : Masahiro Shinoda
- Acteurs : Mariko Kaga , Ryō Ikebe, Shinichirô Mikami , Takashi Fujiki, Naoki Sugiura, Isao Sasaki, Koji Nakahara
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Noir et blanc
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h32mn
- Date de sortie : 31 mai 2023
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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– Année de production : 1964
Résumé : Après trois ans de détention, Muraki retrouve la liberté mais pas tout à fait le monde qu’il a connu. Alors qu’il replonge dans le milieu mafieux des yakuzas, il rencontre Seoko, joueuse invétérée et irraisonnée, avec qui il entame une relation duelle.
Critique : Masahiro Shinoda, reconnu à l’international comme l’un des auteurs majeurs de la Nouvelle Vague japonaise, est dans sa trentaine lorsqu’il livre Fleur pâle, qui s’aborde comme un film noir, si noir dans son ADN qu’on rêve des conversations qu’aurait pu tenir Shinoda avec un Jean-Pierre Melville, par exemple. Seulement si Shinoda participe à une vague nouvelle, elle n’a rien à voir avec celle qui submerge l’Europe depuis quelques années, elle qui remet en cause la narration, l’esthétique du cinéma des générations précédentes. Quelques séquences à l’esthétique très apprêtée confirment que Shinoda s’éloigne du cinéma caméra à l’épaule qui parvient alors en Europe. Quelques plans léchés, travaillés presque au-delà du raisonnable, confèrent un pouvoir d’attraction visuel époustouflant. Une scène de rêverie notamment, en fin de métrage, justifierait à elle seule qu’on s’attarde sur l’œuvre, et pourrait être extraite pour le plaisir simple des yeux. Le plus élémentaire, sans doute le plus facile, mais aussi un des plus puissants.
- © 2023 Carlotta Films
Dans ce cadre de velours, Shinoda fait se rencontrer Muraki et Saeko, dans l’intrigue des nuits clandestines et enivrantes. Ces deux-là nouent une relation d’une ambigüe complexité, au sein de laquelle le jeu, au sens des paris d’argent, est roi. Saeko se trouve filmée comme objet de curiosité, de désir, topos du film noir, mais aussi comme échappatoire pour Muraki, lequel fait face à un retour à la réalité difficile.
Elle, de son côté, pénètre un monde masculin en explorant une liberté qui donne à ses pairs l’impression qu’ils ne pourront jamais la saisir, la maîtriser. Cependant, alors qu’elle semble jouir d’une liberté totale, liée à l’argent et à sa capacité à en perdre, elle attire convoitise et regards condescendants, jusqu’à être perçue comme un appât pour attirer de nouveaux joueurs. Les clans restent des univers presque exclusivement masculins…
Avec sa mise en scène feutrée et élégante, un brin démonstrative, Shinoda oriente parfois son film vers le thriller avec réussite. Il développe ses personnages et son récit autour des tables de paris, ce qui lui donne l’occasion d’élaborer un suspense induit par le contexte, mais sublimé par les regards, les jeux de pouvoir, rapports de domination implicites et le risque permanent d’être surpris. Ce qui ne saurait avoir d’autre effet que d’augmenter l’excitation, parfois traduite en excitation sexuelle, que nos deux protagonistes prennent à jouer.
- © 2023 Carlotta Films
Shinoda double son talent visuel d’un travail sonore majeur, entêtant, où les cartes à jouer, petits totems de bois à manipuler avec discrétion et précaution, s’abattent mécaniquement sous les incantations du maître du jeu.
Ce qui est d’autant plus appréciable aujourd’hui, à la sortie française du film (produit en 1964), est la limpidité avec laquelle avance l’intrigue, et la faculté de Shinoda à nous rendre Fleur pâle accessible. Soixante ans après sa création, il est d’une facilité déconcertante de rester suspendu au film, ce qui n’est pas toujours le cas avec les œuvres d’un autre temps sans que le reproche puisse leur être fait. Il s’agit souvent d’un décalage de gestion du rythme, des dialogues, ou des enjeux. Point de cela ici : la modernité éclatante de Shinoda éclaboussant l’heure et demie durant laquelle la pellicule défile sous nos yeux.
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