Le 2 mars 2018
Fidèle à l’univers de Kechiche, ce conte d’été et récit d’initiation prend le temps de s’attacher à des personnages pris au jeu de l’amour et de la sensualité. Sans doute imparfaite, l’œuvre n’en demeure pas moins séduisante et remarquablement interprétée.
- Réalisateur : Abdellatif Kechiche
- Acteurs : Salim Kechiouche, Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Lou Luttiau, Alexia Chardard
- Genre : Comédie dramatique, Teen movie
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution
- Durée : 3h00mn
- Date de sortie : 21 mars 2018
- Festival : Festival de Venise 2017
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Résumé : En France en 1994, Amin espère vivre des scénarios qu’il écrit à Paris. Il retourne en été dans le Midi de la France où il a passé sa jeunesse chez ses parents qui tiennent un restaurant tunisien à Sète. Amin retrouve sa famille et ses amis de jeunesse, comme son cousin dragueur Tony ou sa meilleure amie Ophélie ; il passe son temps entre le restaurant familial, les bars du coin et la plage où viennent bronzer de jolies vacancières...
Critique : (Très) librement adapté d’un roman de François Bégaudeau, Mektoub, My Love : Canto Uno est peut-être le premier volet d’une trilogie consacrée à Amin, le personnage principal. Peut-être, car nous attendons toujours la suite de La vie d’Adèle : chapitres 1 et 2… Mais l’essentiel n’est pas là. Le dernier opus d’Abdelatif Kechiche est en tout cas fidèle à son univers, sans se priver pour autant de références : les jeux de l’amour et du hasard prolongent la mise en abyme de L’esquive, et l’on remarquera à cet égard de troublantes similitudes avec l’œuvre de Rohmer, ce Conte d’été rappelant les subtils marivaudages de Pauline à la plage ; la convivialité des familles maghrébines tentant de concilier traditions et modernité ainsi que la catharsis de la danse font écho à La graine et le mulet, ce que suggèrent plusieurs personnages dont celui de la jeune tante incarnée par Hafsia Herzi ; les affres du désir et de la sexualité évoquent quant à elles tant Vénus noire que La vie d’Adèle : une scène d’accouplement hard au début du métrage peut être perçue comme la continuité des séquences entre Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, quand les comportements sur la piste de discothèque, filmés comme un rituel orgiaque, font surgir le souvenir de la Vénus Hottentote exhibée en foire avant de devenir un obscur objet du désir.
- Copyright Pathé Distribution
La principale qualité de Mektoub, My Love : Canto Uno est de réussir à étaler sur trois heures un scénario minimaliste, sans la caution d’un « sujet de société » (le syncrétisme culturel des enfants d’immigrés, ou les enjeux de la liberté sexuelle), tout en parvenant à rendre attachants des protagonistes qui sur le papier auraient pu paraître stéréotypés ou dignes d’un banal teen movie : Tony le dragueur mythomane qui séduit les filles sans oublier de les faire souffrir ; Charlotte la rêveuse prise au piège de l’amourette d’été ; Ophélie la plantureuse hédoniste et humaine, qui pourrait par ailleurs être la petite-fille de la Catherine Rouvel du Déjeuner sur l’herbe de Jean Renoir (dont le père est cité dans le film) ; ou la mère d’Amin, modèle de bienveillance et d’émancipation, porte-parole évident du cinéaste.
- Copyright Pathé Distribution
Mais Mektoub, My Love : Canto Uno est également un touchant récit d’initiation : sa tonalité est plus ou moins autobiographique, Amin (apprenti scénariste, photographe, et peut-être futur réalisateur ?) étant le second double de l’auteur, ce qu’accentue la ressemblance physique entre le jeune acteur Shaïn Boumedine et Abdel Kechiche jeune, souriant et maladroit, dans Le thé à la menthe (Abdelkrim Bahloul, 1984). Alors qu’importe les maladresses (les solidarités et affrontements communautaires dignes des Petits mouchoirs de Guillaume Canet), ou les longueurs (un double accouchement de brebis sur fond musical édifiant, comme dans le pire documentaire animalier) : Mektoub, My Love : Canto Uno est un film estimable et peut-être mineur, mais dont il est permis de penser qu’il se bonifiera avec les années. Kechiche dirige en outre admirablement ses interprètes, dont la remarquable Ophélie Bau, authentique révélation. Au final, on est face à un film à voir même s’il peut paraître a priori en deça des réussites de son auteur.
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