Le 15 juillet 2020
Le troisième film d’Abdellatif Kechiche est traversé par une vitalité extraordinaire. Direction d’acteurs impeccable, mise en scène d’un grande richesse : dans la veine naturaliste, le cinéaste s’avère le digne successeur de Maurice Pialat.
- Réalisateur : Abdellatif Kechiche
- Acteurs : Bruno Lochet, Habib Boufares, Hafsia Herzi, Faridah Benkhetache, Sabrina Ouazani, Carole Franck, Olivier Loustau
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution
- Editeur vidéo : Fox Pathé Europa
- Durée : 2h31mn
- Date télé : 15 juillet 2020 20:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 12 décembre 2007
Résumé : Sète, le port. Monsieur Beiji, la soixantaine fatiguée, se traîne sur le chantier naval du port dans un emploi devenu pénible au fil des années. Père de famille divorcé, s’attachant à rester proche des siens, malgré une histoire familiale de ruptures et de tensions que l’on sent prêtes à se raviver, et que les difficultés financières ne font qu’exacerber, il traverse une période délicate de sa vie où tout semble contribuer à lui faire éprouver un sentiment d’inutilité. Une impression d’échec qui lui pèse depuis quelque temps, et dont il ne songe qu’à sortir en créant sa propre affaire : un restaurant. Seulement, rien n’est moins sûr, car son salaire insuffisant et irrégulier, est loin de lui offrir les moyens de son ambition. Ce qui ne l’empêche pas d’en rêver, d’en parler, en famille notamment. Une famille qui va peu à peu se souder autour d’un projet, devenu pour tous le symbole d’une quête de vie meilleure. Grâce à leur sens de la débrouille, et aux efforts déployés, leur rêve va bientôt voir le jour... Ou presque...
Critique : Filmer la matérialité des corps et même leur sensualité, saisir la densité de la vie par les gestes, les attitudes, les paroles, au plus près d’une forme de vérité : c’est le programme de La Graine et le Mulet, c’est aussi le parti pris esthétique d’Abdellatif Kechiche, depuis le début de sa carrière. Ce long métrage aux quatre César, dont celui du meilleur film, est un étourdissant condensé d’existences que saisissent des gros plans, des points de vue multiples sur les personnages, un montage globalement nerveux, dès lors que les individus se constituent en groupes, alors que des séquences plus longues documentent la solitude de Slimane Beiji, avec une qualité picturale : on retient cette fenêtre ouverte sur la mer, à proximité de laquelle le protagoniste fume, tandis qu’à l’angle une cage à oiseaux suspendue évoque symboliquement sa situation.
On a beaucoup dit que dans la veine naturaliste Kechiche était le digne successeur de Pialat, qu’il avait aussi réconcilié le cinéma d’auteur et le cinéma dit "populaire". C’est vrai et on pourrait multiplier à l’envi les scènes qui corroborent ces deux assertions. On retiendra une séquence, peut-être l’une des plus remarquables du long métrage : la fameuse scène du repas en famille, absolument extraordinaire dans son enchaînement d’images qui réussissent à capter l’énergie naturelle des convives qui mangent, tandis que les paroles se chevauchent. La caméra parvient, selon une harmonie imitative remarquable, à glisser d’un locuteur à l’autre, organisant une joyeuse instabilité qu’on peut décomposer en mouvements soudains, visages filmés en amorce, bouches gourmandes ouvertes sur la nourriture ingérée (Kechiche est le seul metteur en scène français qui filme aussi naturellement un repas et il le prouvera à nouveau dans La vie d’Adèle).
Sans aucune intention moralisante, ni volonté d’incarner des typologies faciles (on n’est pas chez Robert Guédiguian), Kechiche raconte la vie d’un sexagénaire usé par son travail, qui tente d’accomplir un nouveau rêve, aidé par la fille de sa nouvelle compagne (remarquablement interprétée par Hafsia Herzi). Mais son film existe au-delà d’une simple histoire humaniste et tragique : il s’incarne dans une manière unique de capter la pulsation même de la vie.
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Norman06 27 avril 2009
La graine et le mulet - Abdellatif Kechiche - critique
Du cinéma en grâce permanente. Petit cousin de Pagnol et de Cassavetes, Abdellatif Kechiche signe un autre récit surprenant par son émotion, sa verve, son ton néoréaliste juste et touchant. N’a pas volé son triomphe à la cérémonie des César !