Fatal contretemps
Le 13 février 2011
Un mélodrame antimilitariste presque insoutenable à force de douceur et magnifiquement interprété.
- Réalisateur : Tadashi Imai
- Acteurs : Eiji Okada, Haruko Sugimura, Yoshiko Kuga, Osamu Takizawa, Akitake Kôno, Akiko Kazami
- Genre : Mélodrame
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h51mn
- Titre original : また逢う日まで - mata au hi made
- Festival : Histoire des grands studios japonais : 4e volet - La Tôhô
L'a vu
Veut le voir
– Sortie au Japon : 21 mars 1950
Mata au hi made (Imai 1950)Un mélodrame antimilitariste presque insoutenable à force de douceur et magnifiquement interprété.
L’argument :Printemps 1945, la cruauté de la guerre règne. Saburô, étudiant, fait la connaissance dans un abri anti-aérien de Keiko dont la mère est ouvrière dans une usine d’armement. Keiko, artiste, tente de vivre de sa peinture.
Notre avis : Tadashi Imai (1912 - 1991), s’il est un peu oublié aujourd’hui, connut son heure de gloire internationale dans les années 50 et 60 comme représentant d’un cinéma nettement engagé à gauche. Deux de ses films furent sélectionnés à Cannes (Nigorie - destins de femmes en 1954 et Kome - Le riz en 1957), deux autres furent primés à Berlin : Jun-ai monogatari, Ours d’Argent en 1958, et Bushidô zankoku monogatari, Ours d’Or en 1963.
- Eiji Okada et Yoshiko Kuga dans Mata au hi made (Imai 1950)
Les préoccupations politiques ne sont pas absentes de Mata au hi made - Quand nous nous reverrons..., son onzième film, couronné à sa sortie de plusieurs prix par la critique japonaise. L’essentiel de l’intrigue se déroule au début de l’année 1945 et décrit un pays à l’atmosphère raréfiée où la vie semble comme en suspens. La guerre y est un arrière plan menaçant dont les effets sont souvent vus indirectement, par exemple au fil des réunions du groupe d’étudiants dont fait partie le héros et qui se réduit au fur et à mesure des départs à l’armée. Parfois elle se manifeste sous forme d’attaques aériennes dont trois ont une conséquence directe sur la vie des protagonistes : celle du début qui les fait se rencontrer, celle qui cause la mort du frère aîné, celle enfin où périra Keiko dans la gare où elle attendait Saburô pour leur dernière journée ensemble avant son départ au front.
- Eiji Okada dans Mata au hi made (Imai 1950)
- Yoshiko Kuga dans Mata au hi made (Imai 1950)
- Yoshiko Kuga et Haruko Sugimura dans Mata au hi made (Imai 1950)
L’imprévu qui empêche le jeune homme de se rendre à ce rendez-vous tant attendu, puisqu’elle avait promis de se donner à lui la veille de son départ, obéit aux règles implacables du mélodrame : le spectateur, qui a déjà préparé son mouchoir, le redoute autant qu’il l’espère, le sachant de toute façon inévitable.
C’est en effet la voie du mélodrame que Imai et ses scénaristes Toshio Yasumi et Yôko Mizuki (Okasan , Yama no oto) ont choisie pour démontrer l’absurdité de la guerre et du militarisme. Ce choix les dispense des longs discours explicites attendus. L’antimilitarisme du héros est davantage affaire de sensibilité artiste que de conscience politique articulée et Keiko ne se formalise par outre mesure de devoir rajouter des tanks sur les affiches publicitaires (affreuses selon Saburô, mais nous ne les verrons pas) qu’elle peint pour gagner sa vie.
Même le frère aîné, converti à l’idéologie officielle, ou le père, juge intransigeant tellement obnubilé par l’idée du devoir qu’il n’ira même pas au chevet de son fils mourant, ne sont pas des personnages totalement négatifs. Et le revirement d’un des amis étudiants apparaît clairement comme un effet de l’angoisse qui le saisit avant de partir à l’armée.
Quelques touches d’humour, qui se raréfient au fur et mesure que le film avance, sont là pour rendre plus poignant un drame qui s’installe en douceur, sans effets trop appuyés, et ne s’accélère que lors de la course vaine de la mère de Keiko (Haruko Sugimura, parfaite comme toujours) pour tenter d’arriver à la gare avant le départ du train de Saburô.
Un scénario d’une habileté diabolique reposant sur un grand flashback et, à la fin, une espèce de flash-forward presque insoutenable à force de non-dit, les dialogues souvent subtils, une musique à l’envoûtante coloration mélancolique mais pas trop envahissante, une mise en scène discrète mais inspirée (le fameux baiser à travers la vitre) : tout cela fait une oeuvre de fort belle tenue mais aux ressorts un peu trop visibles pour ne pas laisser un léger sentiment de fabriqué, en particulier dans la scène, sensée être le point d’acmé émotionnelle de l’ensemble, où les deux amoureux imaginent leur hypothétique vie future.
- Mata au hi made (Imai 1950)
Pourtant le film emporte l’adhésion grâce au charisme des acteurs, un Eiji Okada (Hiroshima mon amour, Fleur pâle) à l’allure encore juvénile et la merveilleuse Yoshiko Kuga, l’inoubliable interprète de Naruse et de Mizoguchi (Une femme dont on parle).
- Mata au hi made (Imai 1950)
Galerie Photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.