Et au milieu coule une...
Le 1er octobre 2007
Sous ces élans mélodramatiques, Rivière noire creuse les douleurs occultées du Japon de 1955.
- Réalisateur : Masaki Kobayashi
- Acteurs : Fumio Watanabe, Ineko Arima, Tatsuya Nakadai
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Japonais
- Editeur vidéo : Wild Side Video
- Plus d'informations : le DVD Wild Side
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– Durée : 1h55mn
– Titre original : Kuroi Kawa
Sous ces élans mélodramatiques, Rivière noire creuse les douleurs occultées du Japon de 1955.
L’argument : Nishida, étudiant sans le sou, emménage dans une misérable pension de famille de banlieue, près d’une base militaire américaine. Prostitution et marchés noirs rythment la vie du quartier où le yakuza Jo (Tatsuya Nakadai) fait régner la terreur.
Un jour, la propriétaire décide de revendre son terrain à un investisseur pressé. Elle charge le terrible Jo et sa bande d’expulser ses locataires. Nishida refuse de quitter les lieux, moins par solidarité avec les malheureux pensionnaires que par défi envers Jo : il veut lui reprendre Shizuko, violée par le yakuza et devenue esclave de ses sentiments ambigüs.
Notre avis :
L’après-guerre japonais n’avait rien de réjouissant. L’âpreté des relations, la corruption tendancieuse, et la grande difficulté de cohabiter avec « l’ennemi » américain renvoyaient l’image glacée d’un pays tourné vers la modernité, fièrement espérée par ce peuple. Le cinéma japonais des années 50, remué par cette vibration fébrile de la défaite de 1945, a joué le rôle peu aimable de rabat-joie. A l’instar des Kurosawa, ou autre Mizoguchi, le méconnu Kobayashi a lui aussi enregistré ces contradictions vivaces.
Au-delà de cette belle aisance classique qu’il arbore plan par plan, Rivière noire nous fait tanguer vers d’étonnants écarts qui subliment le film. Des personnages dépourvus, laissés pour compte, flottent sur l’épaisseur tragique, presque bileuse, qui porte cette œuvre sans la noyer.
Le metteur en scène glisse dans chacun des personnages des échardes qui réveillent les faiblesses enfouies. Une piqure de rappel symbolisée par une poétique burlesque de l’estropié. L’un malade, l’autre alcoolique...la douleur se contient, mais remonte à la surface par soubresauts. Ces éclopés dessinent un portrait du peuple nippon dans ses contradictions : oser la résistance, se plier au pouvoir, apprécier la corruption. Difficiles choix, jamais récompensés puisque toujours douloureux. Kobayashi jette un constat irrémédiable et désenchanté : la reconstruction du Japon tente bien d’effacer les plaies de la guerre, mais celles-ci sont profondément marquées.
Le témoignage de Kobayashi explore la périphérie d’une époque méconnue, débarbouillant les rejetons crasseux d’un Japon tourné vers l’avenir, en plein essor économique. Cette petite baraque branlante aux allures de bidonville resserré disparaîtra comme une cicatrice que l’on maquille afin d’en oublier la présence. La douleur se manifeste, le mal tire encore sous la peau. Ces déshabités n’auront que leurs yeux pour pleurer. Une douleur invisible, intérieure, en deçà des apparences.
Son approche ne se veut pas documentaire. Il dévoile le chaos oublié et résiduel qui tient, comme nous l’avons dit, du burlesque, mais également d’une narration classique s’appuyant sur le mélodrame amoureux à trois : une fille pour deux garçons.
Nœud de tension extrême, Shizuko, la jeune fille à l’ombrelle, se tient symboliquement au centre du film. La jeune fille violée déambule telle une âme damnée, déchirée entre cette douleur intérieure et sa pudicité morbide. Elle enferme en elle toute la beauté tragique de Rivière Noire provenant en grande partie de l’ambiguïté inhérente à cette femme, et à son visage sibyllin. D’un coté attiré par le yakusa violent (Jo), archaïque mais aimant, de l’autre, par Nishida l’étudiant moderne et respectable qui résiste à Jo.
Kobayashi infuse la douleur au centre de Rivière Noire, jusqu’à en faire le sujet propre : la souffrance accoutumée, celle qui laisse la plaie vive, toujours prête à se manifester. Telle est la situation du pays du soleil levant, dans ces glorieuses années 50, qui essaya de recouvrir ces blessures de guerre sans pommade aucune.
Le DVD
Thinpack ou SlimFast ?
Les suppléments
Wild Side cultive l’idée de nous faire (re)découvrir des pépites très difficiles à trouver. Rendons grâce de ce travail patrimonial, mais, peut être en raison de ces mêmes difficultés, ces éditions n’offrent guère de suppléments. A l’instar de Kamikaze Club, ici nous ne retrouverons donc qu’une bande-annonce accompagnée d’une filmographie. Dommage.
Image & son
En revanche, cette volonté nous donne à voir une restauration impeccable de l’image, mis à part des différences de luminosité qui jaillissent par moment. Le son mono s’avère net, ce qui est une réussite pour un long-métrage sorti dans les années 50.
Le choix du rédacteur
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