Bataille royale
Le 28 juin 2011
Maître d’oeuvre des grands polars japonais, Fukasaku signe un opus radical et déséspéré. Un éclat de noirceur aux dérives mélancoliques.
- Réalisateur : Kinji Fukasaku
- Acteurs : Tomomi Miyashita, Hiroki Matsukata, Tomomi Sato, Yôko Mihara
- Nationalité : Japonais
- Editeur vidéo : Wild Side Video
- Plus d'informations : Le lien de l’éditeur :
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– Durée : 1h30mn
– Titre original : Kyokatsu koso Waga Jinsei
– Titre américain : Blackmail is my life
Maître d’oeuvre des grands polars japonais, Fukasaku signe un nouvel opus radical et déséspéré. Un éclat de noirceur aux dérives mélancoliques.
L’argument :
Japon, années soixante : dans l’euphorie du boom économique, l’argent coule à flots et profite à tout le monde. Shun, chef d’un gang de jeunes voyous, tente sa chance en se spécialisant dans les affaires de chantage.
Le succès aidant, il se risque dans des coups de plus en
plus énormes : faire chanter des gros bonnets de la drogue et des politiciens véreux. Mais son audace va se heurter à l’ennemi suprême : la loi du plus fort.
Notre avis : Kamikaze Club cristallise, dans une œuvre jeune et bouillonnante, les grandes tendances de l’esthétique de Fukasaku. Parti pris d’un montage tranché, rapport conflictuel avec la société, violence fanatique, Fukasaku manipule ces éléments par la force de la fatalité. Car, le réalisateur japonais a toujours respecté cette ligne directrice : les loosers magnifiés, absorbés par une pulsion nihiliste de mort, viennent s’écraser contre le mur de l’amoralité représenté par le pouvoir, qui, chez Fukasaku est totalement corrompu (Yakuza et politiciens marchent ensemble). Cette crispation anarchiste, jamais abandonnée par le réalisateur, a toujours dopé son oeuvre d’une tension extrême.
Réalisé en 68, ce long marque les tressaillements de l’époque dans une mise en scène vindicative : un début dynamisé par un montage compulsionnel, où ralentissements, sauts dans le temps, et freeze frames impulsent un rythme spontané, agressif et libertaire. Tout son dispositif est atteint par une sauvagerie visuelle (Zoom, caméra à l’épaule, très Nouvelle Vague) qui contamine petit à petit les quatre compagnons. La rythmique s’incline alors aux pulsations fiévreuses d’une mélodie du désespoir, appesantie de la mélancolie de la fuite vers la mort.
Fukasaku aime ces jeunes voyous. Il s’évertue à révéler la face perverse d’une société bien réglée, démantelant les mécanismes sous-jacents d’un pouvoir totalement corrompu, à travers le portrait de ces marginaux. En effet, ceux-ci perdus en amont de la morale, découvrent la manipulation généralisée des décideurs, ceux là même qui se prévalent des notions de pouvoir et de bienséance. Ainsi, Shun et sa bande finissent par s’attaquer à l’homme politique le plus influent, mais aussi le plus véreux.
La vision noire de Fukasaku est souvent accompagnée d’une complaisance pour la violence, toujours très présente dans sa filmographie. Souvenez-vous de la vive polémique survenue après Battle Royale. Mais la pulsion de violence chez le réalisateur japonais, est une pulsion révolutionnaire, établie souvent par les vilains contre ceux qui génèrent, contrôlent, manipulent ces mêmes personnes. Ainsi, la violence s’intègre toujours à une pensée réflexive sur le pouvoir (dans la société, mais aussi dans l’image à travers le cinéma).
Chaînon manquant entre le néo-réalisme italien de l’après-guerre (libération narrative, description d’une réalité proche, réflexion politique) et le nouvel Hollywood (esthétique de l’énergie, mélancolie funèbre (on pense à Bonnie & Clyde d’Arthur Penn), Kamikaze Club n’atteint pas encore la puissance des œuvres futures de Kinji Fukasaku (Le cimetière de la morale...) mais instaure un style singulier. Mésestimé, le réalisateur japonais a pourtant nourri nombre de cinéphiles, en commençant par le plus vorace d’entre eux, Quentin Tarantino, dont la musique de Kill Bill semble inspirée par l’excellente bande originale de Kamikaze Club.
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Le DVD
Contenu slim, pour édition slim.
Les suppléments
L’édition thinpack, un classique chez Wild Side, offre un contenu forcément très maigre. Une unique filmographie sous forme de texte est disponible. On aurait aimé l’ajout de filmographies plus obscures : celle des acteurs, ici, très convaincants. Le DVD offre, pour finir, une bande annonce de l’époque. Les bandes annonces japonaises des années 60-70 méritent le coup d’œil tellement celles-ci ne sont pas banales.
Image & son
La seule piste sonore (mono) se révèle de bonne facture. L’image, elle aussi, se montre précise alors que le traitement des couleurs, trop fades, se montre un peu juste.
L’ensemble bénéficie tout de même d’un soin particulier tout à fait louable.
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