Le 14 septembre 2023


- Date de sortie : 7 septembre 2023
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
Disponible sur
Roman d’ambiance aussi féministe que gothique, Mary fait frissonner tandis qu’Anne Eekhout réinvente la vie de l’autrice de Frankenstein.
Résumé : En 1812, la jeune Mary séjourne en Écosse dans la famille d’Isabella, à peine plus âgée qu’elle. Ensemble, les deux adolescentes parcourent la lande et s’adonnent au frisson : ne seraient-ce pas des monstres qui les guettent parfois au détour de ces paysages torturés ? Les deux amies s’initient à regarder le monde qui les entoure et apprennent à y déceler désirs et mystères. Quatre ans plus tard, Mary est devenue femme et mère, et séjourne au bord du lac Léman en compagnie des poètes Percy Shelley et Lord Byron. Recluse en raison de pluies diluviennes, cette petite compagnie sirote du laudanum et s’invente des histoires effrayantes. C’est alors que le souvenir des émois écossais ressurgit dans la conscience de Mary, qui va donner naissance à l’un des chefs-d’œuvre de la littérature fantastique, {Frankenstein}.
- Copyright Gallimard
Critique : La Mary d’Anne Eekhout est figée à deux âges précis, aura éternellement quinze et dix-huit ans, malgré la fluidité des pages, aussi ondoyantes que des vagues, et l’évolution constante de l’héroïne. Le roman éponyme vogue de 1812 à 1816 puis retour, les deux époques se nourrissant l’une l’autre, faisant gonfler les nuages qui pèsent dans le passé, tomber la neige blanche du futur. En 1812, Mary Shelley n’est qu’une adolescente à l’esprit vif qui se repaît de romans d’épouvante d’alors et de légendes locales, envoyée en Écosse par son père pour l’air frais et pur de la lande léchée par la mer et les histoires qu’elle charrie. Chez les Baxter, elle découvre les mythes, les corps blancs de ses semblables, d’Isabella – plusieurs chercheurs ont établi que la bisexualité de Mary sourd de son chef d’œuvre –, les silhouettes monstrueuses qui se tapissent dans l’ombre, dans les métaphores sombres du texte. C’est là, à Dundee, que se forme en elle l’embryon du monstre de Frankenstein qui ne naîtra que quatre ans plus tard, en Suisse, sous l’œil attentif de Lord Byron, de John Polidori et de Percy Shelley. La nuit enveloppe les écrivains qui la déchirent, recouvre les meubles et les corps endormis, étouffe les bébés qui s’éteignent sans bruit. Dans ces parties-ci, Mary s’est délestée de la première personne, des journaux intimes, et c’est l’autrice néerlandaise qui la raconte à la troisième personne, se glisse en elle pour relater ses états d’âme, le deuil qui plie la jeune femme en deux, la brûlure constante causée par le fer rouge de l’amour libre prêché par son époux.
Anne Eekhout s’inspire des carnets de cette illustre jeune femme, puise dans les livres qui la décrivent et dans ceux qui ont été écrits alors que son cœur battait encore, romans gothiques emprisonnant les femmes dans leur nuit orageuse. Ainsi, l’autrice la façonne à son image, et peut-être à l’image de ses écrits. Mary devient alors une version fantasmée de Mary, recréée par ce qui sourd de Frankenstein, habitée par des visions étranges, aventureuse malgré sa discrétion. Sensualité et peur font frissonner les pages, dans l’ombre desquelles se cachent des créatures dont seule la silhouette se devinera. Ce livre, porté par un souffle électrisant, à la fois roman d’ambiance et conte féministe, fait sien cette citation de Mary Shelley placée en exergue : « il est plus important de raconter la meilleure histoire possible que de dire la vérité. »
Anne Eekhout - Mary
Gallimard
400 pages
140 x 205 mm
24 euros