Santa Maradona priez pour moi !
Le 4 décembre 2020
Portrait subjectif et passionnant d’une star du football mi-ange mi-démon, dévorée par la gloire puis l’infortune. Une rencontre au sommet.
- Réalisateur : Emir Kusturica
- Acteurs : Diego Armando Maradona, Emir Kusturica
- Genre : Documentaire, Film de sport
- Nationalité : Espagnol, Serbe
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Durée : 1h35mn
- Date télé : 4 décembre 2020 20:30
- Chaîne : LCP
- Titre original : Maradona By Kusturica
- Date de sortie : 28 mai 2008
- Festival : Festival de Cannes 2008
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Résumé : Emir Kusturica célèbre dans ce film l’incroyable histoire de Diego Maradona : héros sportif, Dieu vivant du football, artiste de génie, champion du peuple, idole déchue et modèle pour des générations du monde entier. De Buenos Aires à Naples - en passant par Cuba - Emir Kusturica retrace la vie de cet homme hors du commun, de ses humbles débuts à sa notoriété mondiale, de la plus spectaculaire ascension au déclin le plus profond. Un documentaire unique sur une légende vivante, filmé par son plus grand fan.
Critique : Le titre a le mérite d’être clair, et là où certains y verront un manque de modestie de la part du cinéaste serbe, nous objecterons qu’il s’agit plutôt d’une preuve de courage. Oser se mettre en avant et affronter la bête, l’amadouer petit à petit jusqu’à ce qu’elle devienne son ami, ce n’est pas une mince affaire surtout lorsque vous êtes un fan absolu d’une légende vivante qui n’a vu aucun de vos films et connaît vaguement votre nom. Deux palmes d’or ne feront jamais le poids face à une coupe du monde...
Pas besoin de savoir que Kusturica adore le football et a failli être joueur professionnel, avant d’embrasser la carrière cinématographique que l’on sait, pour comprendre ce qui le fascine chez Diego Armando Maradona. El pibe de oro est un vrai personnage de cinéma, il se compare d’ailleurs volontiers à De Niro (sauf que sa prise de poids effrayante n’était pas volontaire !). C’est un monstre sacré, une boule d’énergie, de hargne et de rage qui s’est extraite de sa misérable condition par le biais du ballon rond. Une histoire classique, un « conte de fées » comme le sport, et le foot en particulier, a l’habitude d’en écrire (Pelé, Zidane et plus récemment Ribéry). Mais avec Maradona, le conte de fées vire au cauchemar à l’instar de Jake La Motta dans Raging bull. Les soirées trop arrosées, l’alcool et surtout la cocaïne vont plonger le « joueur du siècle » dans une déchéance proportionnelle à la démesure du personnage et de son talent, jusqu’à ce qu’il frôle la mort en 2004.
Kusturica aime filmer les monstres, les écorchés vifs et les marginaux. Il trouve chez eux plus d’humanité que chez n’importe quel autre personnage. Ce qui l’intéresse, c’est leur exubérance, leur caractère entier et leurs aspérités. Avec Diego, il a été servi et en a même fait les frais, comme l’illustre une scène hallucinante, révélatrice des problèmes qui ont émaillé ce tournage hors norme. Lors de leur première rencontre au domicile de Maradona, celui-ci accueille le Serbe à bras ouverts pendant toute une soirée. Avant de partir, Kusturica le salue et lui rappelle leur rendez-vous convenu le lendemain matin. Le lendemain donc, le cinéaste poireaute et s’impatiente gentiment avec son équipe de tournage devant la maison de la star. Maradona sort enfin, salue brièvement le cinéaste puis file directement dans sa voiture, remonte les vitres teintées et le laisse sur place sans lui dire un traître mot. Le sourire à la fois amusé et désabusé du cinéaste vaut le détour.
Mais c’est le prix à payer pour approcher ce Janus fascinant, perdu entre ombre et lumière, qui semble s’être nourri de ses sombres démons pour pouvoir briller de mille feux. Anecdote saisissante : lorsqu’il était gamin, Maradona jouait au foot jour et nuit, affirmant que jouer la nuit lui permettait de développer son instinct de footballeur et donc d’être bien meilleur le jour. Un ange diabolique en somme, comme le montre le fameux match Argentine-Angleterre, symbolique à plus d’un titre, lors de la coupe du monde 1986 (soit quatre ans seulement après le début de la guerre des Malouines). Les Argentins l’emportent grâce notamment à deux buts du gamin en or : l’un, frauduleux, marqué de la main (la fameuse « main de Dieu ») et l’autre, sans doute le plus beau de l’histoire du football, marqué après une chevauchée fantastique de plus de cinquante mètres. Cet exploit renversant fait d’ailleurs office de fil rouge du documentaire, comme pour illustrer la vie semée d’embûches que Maradona drible avant d’atteindre la rédemption.
Une rédemption qui passe par la conscience politique. Il s’agit d’un des nombreux parallèles, avec ceux concernant ses films et un certain folklore démesuré, mis en place par le cinéaste entre Maradona et lui-même. Les deux hommes sont issus de pays oppressés par les grands décideurs de ce monde (FMI, grand capitalisme et impérialisme américain, entre autres). Il se retrouvent donc sur ce même terrain même si, il faut bien le reconnaître, faire passer Diego pour l’une des figures importantes de l’altermondialisme est un brin exagéré mais propre à la naïveté et l’aveuglement des fans devant leurs idoles. L’analyse politique est donc le point faible d’un film qui, par exemple, ne présente aucun recul concernant la personnalité de Fidel Castro.
Mais nous pardonnons volontiers au cinéaste ces quelques errements car il aura su de bout en bout nous passionner pour cette figure emblématique, touchante et, encore une fois, profondément humaine. Et puis voir Maradona interloqué puis attendri par une chanson écrite et jouée pour lui par Manu Chao, est un grand moment de cinéma, quoi qu’on en dise.
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