Le dieu du stade
Le 6 juillet 2018
Portrait warholien à la mélancolie diffuse d’un héros des temps modernes. Une expérience sensorielle et humaine hors du commun.
- Réalisateurs : Douglas Gordon - Philippe Parreno
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : UIP (United International Pictures)
- Editeur vidéo : Universal Pictures Video
- Durée : 1h30mn
- Box-office : 65.802 entrées France / 24.569 entrées Paris Périphérie
- Date de sortie : 24 mai 2006
- Voir le dossier : Le Football au cinéma
- Festival : Festival de Cannes 2006
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Portrait warholien à la mélancolie diffuse d’un héros des temps modernes. Une expérience sensorielle et humaine hors du commun.
L’argument : Un portrait spectaculaire, magique, en temps réel et en action de Zinédine Zidane donnant au spectateur le sentiment d’être placé sur le terrain aux côtés du joueur. Tourné le 23 avril 2005 au stade Santiago Bernabeu durant un match de championnat de la Liga espagnole opposant le Real Madrid à Villareal, ce film colle aux crampons de la star du ballon rond durant l’intégralité de la rencontre, grâce à dix-sept caméras haute définition capturant ses moindres faits et gestes.
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Notre avis : Rassurons tout d’abord ceux qui auraient pris ce film pour ce qu’il n’est pas, à savoir un reportage cinématographique sur une star de football dans tous ses états : la star va à l’entraînement, la star embrasse sa femme et caresse son chien, la star serre la main d’une autre star, la star va voir des enfants malades dans les hôpitaux, etc. Non, il s’agit là d’une entreprise bien plus ambitieuse menée par deux artistes contemporains réputés, le Français Philippe Parreno et l’Écossais Douglas Gordon. Le principe, s’il est techniquement ardu, reste très simple sur le papier : faire vivre au spectateur un match entier, en temps réel, aux côtés de Zinédine Zidane. Grâce à dix-sept caméras plantées aux quatre coins du stade de Madrid, nous pouvons enfin pénétrer sur la pelouse en brisant la barrière cathodique du poste de télévision pour se retrouver face à Zidane, à hauteur d’homme. C’est tout de même une petite révolution, celle de notre appréhension d’un match de foot. La caméra de télévision a l’habitude de suivre la progression du ballon en balayant le terrain car elle ne peut l’englober entièrement dans son champ, contrairement au court de tennis. Résultat : l’action et le déplacement sont mis en valeur. Mais que font les joueurs lorsqu’ils n’ont pas la balle ? Ils attendent, se parlent, traînent les pieds, se grattent l’entrejambe, crachent, s’interrogent. Comme s’ils n’existaient qu’à travers la possession du ballon. Une fois qu’ils l’ont, leur liberté d’expression éclate enfin mais ils seront jugés tout de même sur leur manière de l’employer et d’être utile à l’équipe (la communauté). C’est cette économie du joueur qui est mise en avant dans le film et qui propose, mine de rien, une petite leçon d’humanité en creux. Mais ce n’est pas l’intérêt principal.
Le choix du joueur a bien sûr son importance. Pourquoi Zidane ? Pour la puissance plastique qui émane de ce visage ruisselant de sueur, creusé par l’effort et taillé à la serpe, pour son talent éclatant de naturel, et surtout pour son statut d’icône moderne indéniable. Pour beaucoup, Zidane est la figure du sauveur. C’est le héros de la Coupe du Monde 98, un héros "ressuscité" l’année dernière pour guider les Bleus vers l’Allemagne. Cette image christique est amplement relayée par les médias et s’est petit à petit implantée dans l’inconscient collectif français et mondial.
Or, l’œuvre de Parreno et Gordon va pousser cette image à son paroxysme. Ce qui frappe avant tout, c’est la profonde mélancolie de Zizou pendant tout le match. Une mélancolie soulignée par la bande son hypnotique de Mogwaï et à laquelle s’ajoute une souffrance pesante. Zizou souffle, râle, traîne les pieds et sue des litres de transpiration. Les contacts sont âpres et les frappes sont lourdes. On a l’impression qu’il joue sa vie comme s’il était un gladiateur au milieu d’un cirque romain. Arrive la mi-temps et ce défilé de faits, tragiques pour certains, qui ont eu lieu le jour du match. Certains y verront une manière plus ou moins habile de relativiser l’importance accordée à un match de football, mais d’autres avanceront cette évidence : à cet instant, sur ce terrain, pendant 90 minutes, Zidane est le centre du monde. Il le porte, comme il le fait dans une récente publicité pour les assurances, et avec lui toute la souffrance universelle. Zizou souffre pour nous. La machine cathartique fonctionne à plein régime. Le projet et le dispositif technique des auteurs prend alors tout son sens. Comme Warhol en son temps, ils mettent en avant une icône populaire par un médium artistique. Nous nous voyons à travers elle mais malgré cette proximité elle restera toujours une énigme pour nous.
Finalement la tragédie s’accomplit comme prévu. Zidane se sacrifie pour son équipe et meurt (sportivement, sur carton rouge). Il sort de son terrain vital tandis que la caméra s’évanouit vers les cieux. Magnifique.
Box-office échelle : échec par rapport au buzz, les spectateurs ont littéralement détesté l’expérience qui n’avait rien d’un match de foot. Culte néanmoins pour certains.
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