Mansun : et si l’album Six était plus fort que le OK Computer de Radiohead

Deuxième album impressionnant de maîtrise, Six des Mansun succède à l’album numéro 1, Attack of the Grey lantern, qui comprenait notamment le single Wide Open Space au clip vampirique séduisant. Pour ce nouvel opus, les Mansun développaient davantage l’idée de l’album concept (pochette LP signifiante, morceaux dantesques de plus de 5mn, envolées surréalistes, enchaînements virtuoses, et lyrics affolantes de noirceur). Six était le prototype de l’album surproduit, boursoufflé à l’argent des maisons de disques obsédées par la découverte des nouveaux Blur, Suede, Oasis, Radiohead, au point d’énerver les critiques de l’époque qui lui reprocheront son arrogance ; paradoxalement, ils couleront le lancement de la bombe qui accouchera dans les charts britanniques d’une souris, au point de déstabiliser le groupe au bord de l’implosion.
Porté par le progressif Six qui ouvre la ballade vers l’ailleurs, en survolant des contrées musicales variées qui donnent toujours le frisson, celui de l’inattendu, cette plongée dans les noirceurs du blues de l’artiste multiplie les morceaux complexes et épiques, où l’on compte dans chaque titre des développements schizophrènes, puissants et inattendus, comme dans les 9’31 de Cancer dont les envolées à la Floyd dans la deuxième partie apaisent après une ouverture tout simplement infernale.

La très longue intro instrumentale de Special./blown it, comme une virée dans les ténèbres d’une nuit inquiétante, les ressorts gothiques de certaines transitions comme Witness to a murder, Pt. 2, la relecture de la pop à la Blur, Being a girl, déchirée de l’intérieur, les explosions psychédéliques de Television qui annonceront ceux de The Music dans les années 2000, sont autant de morceaux de bravoure.
Plus commercial, extrêmement linéaire pour plaire aux radios, Legacy précédait la sortie de l’album dans les canons planants d’une pop radiophonique qui flirtait avec l’excellence. Le single fut un succès.
Equivalent des projets pharaonesques de la décennie 90, au même titre que OK Computer des Radiohead, le Six de Mansun est à découvrir sans modération. Les plus acharnés de ses fans pourront découvrir l’album solo du gourou de Mansun (le groupe est séparé depuis plus d’une décennie) : Paul Draper a sorti un album calibré, Spooky Action à la fin de l’été. Et forcément, on a encore succombé !