Madame rêve
Le 14 mai 2003
Retour en sourdine, le 13e album de Dutronc est l’un des plus aboutis de sa discographie.

- Artiste : Dutronc, Jacques
Dutronc aurait pu prendre sa retraite de chanteur il y a longtemps, sa carrière cinématographique semblant largement suffire à son plaisir. Retour en sourdine, son 13e album est l’un des plus aboutis de sa discographie.
Ambiance chez les Dutronc-Hardy : la mère tire les cartes et publie un énième bouquin sur l’astrologie, le fiston (Thomas) s’est mis au jazz manouche, et le père... vient de fêter ses soixante ans. Pourtant, à l’inverse d’une autre ancienne idole des yéyés, Jacques Dutronc ne tient pas à le hurler sur tous les toits, en prenant quotidiennement à témoin des millions de téléspectateurs du service public pour finir par souffler les bougies dans l’intimité du Stade de France.
Aussi détaché qu’à l’accoutumé, après une série de rôles pas précisément joyeux (époux d’une empoisonneuse dans Merci pour le chocolat, cancéreux en phase terminale dans C’est la vie), le père Dutronc se résout quand même à marquer le coup en sortant son premier album depuis le Brèves rencontres de 1995. Evénement : Dutronc renoue une collaboration historique avec son parolier, le papy randonneur Jacques Lanzmann. Ne pas en déduire pour autant un retour aux délires de Et moi, et moi, et moi ou Le dragueur des supermarchés : les deux Jacques se sont interdit le coup de la nostalgie. Cette fois plus onirique qu’ironique, Madame l’existence se nourrit d’une mélancolie qui a toujours existé chez Dutronc, bien que souvent dissimulée derrière le cynisme de Qui se soucie de nous ? ou de Merde in France auquel répond maintenant un Face à la merde bien plus désemparé.
Même le bon air de Corse n’a plus l’air de préserver d’un gros coup de cafard. Dutronc a beau, comme d’habitude, se refuser à tout bon sentiment (La vie en live), la situation semble lui retirer le goût de la moquerie. Un blues asséné sur des arrangements électroniques ou des crooneries sur tapis de cordes (Un jour tu verras, belle reprise de Mouloudji). Alain Lubrano, recommandé par Françoise Hardy pour mettre en son ces titres désabusés, évite le lifting rétro pépère façon Salvador ou Macias. Le lien de filiation avec une chanson rock qui irait de Bashung à Miossec en passant par Daho n’en est que plus criant. Claude François ou Sheila ont beau être de retour dans les bacs des supermarchés, des albums comme Madame l’existence prouvent que de grandes choses sont aussi sorties de la scène Salut les copains.
Jacques Dutronc - Madame l’existence (Columbia)
Richardkep 11 avril 2006
Madame l’existence
Une grosse sottise : Françoise ne tire pas les cartes, puisqu’elle est astrologue, et non cartomancienne.
Voir en ligne : Astroariana