Un sourire qui fait front
Le 17 janvier 2015
Délicieuse comédie bifurquant en direction du film de guerre, la deuxième collaboration du tandem Raïzman-Gavrilovitch est illuminée par la radieuse présence de sa charismatique héroïne.
- Réalisateur : Youli Raizman
- Acteurs : Valentina Karavaeva, Mikhaïl Kouznetsov, Vera Altaïskaïa, Gueorgui Svetlanin, Nikolaï Gritsenko, Vladislav Strzhelchik, D. Pankratova
- Genre : Comédie dramatique, Film de guerre
- Nationalité : Russe
- Durée : 1h17mn
- Titre original : МAШЕНКA
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– Tourné en 1939-40 mais sorti en 1942
Délicieuse comédie bifurquant en direction du film de guerre, la deuxième collaboration du tandem Raïzman-Gavrilovitch est illuminée par la radieuse présence de sa charismatique héroïne.
L’argument : Macha, une jeune télégraphiste, suit des cours du soir pour devenir infirmière. Au cours d’un exercice d’alerte aérienne elle rencontre un chauffeur de taxi, Aliocha (Alexej). Mais le jeune homme est trop volage et leur relation tourne bientôt court. Quelques mois plus tard ils se retrouvent sur le front pendant la guerre de Finlande.
Notre avis : Au cours d’une carrière longue (1927 à 1984) mais relativement peu prolifique (une vingtaine de titres) et, semble-il, assez inégale, Youli Raïzman (Julij Jakovlevič Raijzman - 1903-1994) a signé quelques petites merveilles qui comptent parmi les films plus attachants de la cinématographie sovietique. On citera : Lyotchiki - Aviateurs (1935) qui célèbre avec humour et grâce un héroïsme quotidien éloigné de toute grandiloquence ; Poyezd idyot na vostok - Le Train d’Extrême Orient (1948) road-movie intimiste ; Kommunist (1957) que Bernard Eisenschitz qualifiait de frénétique et baroque ; ou encore A esli eto lyubov ? - Et si c’était l’amour ? (1961), mélodrame chuchoté (Eisenschitz encore, dans le catalogue Gels et dégels, Centre Pompidou / Mazzotta, 2003).
- МAШЕНКA - Youli Raizman 1939-1942
Deuxième des six collaborations entre le cinéaste et le scénariste Evgueni Gavrilovitch (après Poslednyaya noch - La Dernière nuit - 1936), Мachenka occupe une place de choix parmi ces réussites, et tout d’abord grâce à sa charismatique héroïne à laquelle la merveilleuse Valentina Karavaeva prète son sourire radieux, une vitalité confiante aussi fragile qu’inébranlable et une émotion à fleur de peau qui ne tombe à aucun moment dans le sentimentalisme larmoyant.
L’attention amoureuse que lui porte Raïzman ne l’empêchent pas cependant de laisser exister les autres personnages, à commencer par l’Aliocha qu’interprète le très juvénile Mikhaïl Kouznetsov, absolument charmant dans son incarnation de l’inconstance et de l’irrésolution.
Mais c’est elle qui est le moteur infatiguable d’un film totalement vivant, jamais figé ni sentencieux, et qui peut changer imperceptiblement de ton et même de genre sans que ces variations soit perçues comme des hiatus.
- МAШЕНКA - Youli Raizman 1939-1942
Les deux premiers tiers ont l’allant, la grâce entraînante d’une comédie légère tout juste parcourue de quelques souffles d’inquiétude et rappelent Histoire musicale de Rappaport (l’usage sans complexe des transparences lors du long trajet en taxi) ou les plus étourdissants Barnet : le bureau du télégraphe littéralement pris d’assaut ; Aliocha refusant le masque à gaz qu’on lui met de force lors de l’exercice d’alerte aérienne avant de l’allonger sur une civière ; Macha s’introduisant avec détermination dans l’univers masculin du garage-caserne pour soigner Aliocha malade qui d’abord, fièvreux, lui répond sans la reconnaître ; la superbe séquence du bal, avec la copine coquette qui met le grappin sur le jeune homme.
- МAШЕНКA - Youli Raizman 1939-1942
Le ton change au cours d’un bref intermède automnal empreint de mélancolie (la conversation interrompue par l’envol de la caméra accompagnant la course de Macha vers le tram qui s’en va) puis d’une dernière partie se déroulant pendant cette Guerre d’hiver qui fut, comme ont sait, un désastre pour l’URSS (ce que le film se garde évidemment de signaler).
Alternant scènes de batailles (la vision saisissante des infimiers rampant dans la neige en longs manteaux blanc à capuche ; l’assaut de l’immeuble éventré, d’une violence sèche) et moments de pause (où on mange ou converse) retrouvant, en mineur, comme un écho atténué, le ton enjoué du début, Raïzman réussit à faire sentir toute l’horreur, le caractère invivable de l’exposition permanente au danger tout en maintenant une espèce de sérénité, et même d’optimisme envers et contre tout.
Bref : voici un des ces classiques véritables, à la jeunesse inusable et échappant à tout discours réducteur, dont chaque (re)vision renouvelle l’enchantement.
- МAШЕНКA - Youli Raizman 1939-1942
– “C’était précisément dans le caractère banal de cette jeune fille, dans son caractère extraordinairement ordinaire, que se trouvait la force qui donnait son inspiration au film. ” Evgueny Gabrilovitch [scénariste], The Fifth Quarter, Moscou, 1983
– “Je préfère avoir affaire à des personnages féminins qu’à des hommes, qui me semblent plus primitifs et moins intéressants. Les femmes sont des êtres complexes, à travers lesquels on peut comprendre la personnalité masculine. À part cela, j’ai toujours eu un penchant plus marqué pour les femmes. Le personnage de Machenka est construit à partir de ses relations avec l’homme qu’elle aime. Bien sûr, elle lui est bien supérieure, plus pure, plus intéressante, plus complexe…” Iouli Raïzman, interview Pierre Beuchot, 1986
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